Point sur la hiérarchie ou ce qu’aurait dû faire la secrétaire

Le bureau de la secrétaire est au bout du couloir. La secrétaire y fait son travail, c’est-à-dire, ce pour quoi une partie de l’argent public lui est versée sous la forme d’un salaire stable (grâce à un contrat de type CDI à vie). Elle fait partie intégrante de la Direction menée comme il se doit par un Directeur.

Le Directeur dispose d’une Directrice adjointe, d’un conseiller, d’un responsable financier et de toute une gamme de responsables (en général, de catégorie A). Ils sont tous membres de l’Administration.

La secrétaire fait le lien entre le Directeur et le public. C’est tout, mais c’est déjà beaucoup. Si elle constate un manquement dans le service, elle est censée en référer à son supérieur hiérarchique, à savoir : le Directeur, aussi, Chef de service. Sauf que Martine fait du zèle. Elle s’investit tellement qu’elle reste souvent bien au-delà de son temps de travail. Pour que tout fonctionne comme elle l’envisage, elle établit ses propres règles et se sent alors responsable de leur application.

Elle sort donc de son bureau plutôt par hasard que par convoitise, peut-être même pour juste prendre l’air après ses presque dix heures qu’elle s’est elle-même infligées par souci de bien faire à reporter des tableaux dans des tableaux et à croiser des données faussées chaque jour par les aléas de la vie. Elle croise alors un des responsables de formation à qui elle fait part de son mécontentement.

“Vous n’avez pas rempli le cahier des présences.”

Parce que le cahier des présences n’était pas dans le casier du responsable de formation.

“Il faut alors passer me voir et me le demander, car je viens de déceler des fraudes extrêmement graves.
– Me concernant ?
– Non.”

Martine aurait dû avertir son supérieur hiérarchique. Celui-ci aurait analysé la situation. Il aurait constaté que le cahier des présences n’était pas toujours mis dans le casier des responsables de formation lorsqu’ils arrivaient sur le site pour travailler. Il aurait demandé à Martine de veiller à ce que les cahiers de présences soient toujours bien mis à la disposition des responsables de formation chaque veille de chaque jour où ils viennent travailler. Il aurait peut-être même ajouté qu’il fallait d’abord faire attention à ce détail de la plus haute importance avant d’accuser qui que ce soit. Aussi, qu’elle n’était pas payée pour faire la Police.

Sauf que Martine n’a rien dit.

Elle croit plus fortement au fait que l’autre s’est trompé. Tout ce qui l’entoure (une organisation plus que chaotique due à une absence d’autorité) l’autorise à penser que, quels que soient ses propres manquements, elle a eu raison d’interpeller un responsable de formation de cette façon.

Et le responsable de formation n’en avertira pas son Directeur, car il lui importe peu que je ne sais quoi soit disponible, rempli, rendu, corrigé. Ce qui l’intéresse, c’est le temps qu’il consacre à son travail et non celui qu’il perdrait à essayer de pallier les conséquences d’une flagrante désorganisation du système.

Du grabuge chez les autogestionnaires

Avec une baisse de plus de cinq points de représentativité au sein de notre société, il fallait s’attendre à une forte houle de mécontentements chez les autogestionnaires qui n’ont pas attendu que le mois de janvier s’achève pour convoquer une assemblée générale extraordinaire dont l’objectif affiché est d’arriver au célèbre consensus soudant depuis maintenant dix ans les membres de ce parti si singulier.

Gérer un collectif pour soi et avec soi ne signifie pas que tout le monde se met en rang derrière une opinion commune. Même si la logique d’une direction collégiale sans patron a réussi à s’imposer en donnant à tous une énergie que peu de partis connaissent, force est de constater qu’il s’est créé un léger fossé — peu profond, soit, mais un fossé tout de même —, entre ceux qui ont le droit d’inscrire les sujets de leur choix à l’ordre du jour et ceux qui ne l’ont désormais plus.

Ainsi, sous prétexte que les problèmes économiques sont devenus trop compliqués à comprendre par tout un groupe de non experts, toutes les questions relatives à la gestion de l’argent ont été tacitement confiées aux administrateurs et toutes les voix qui s’y sont opposées ont tout simplement été écartées en rappelant, comme un funeste appel réactionnaire, la loi censée tout gouverner : c’est le bureau qui décide.

“Alors que le parti ne cesse de s’enrichir, nous aimerions savoir pourquoi il y a parmi nous des salariés dont le niveau de vie baisse. Pourquoi nous en connaissons, parmi eux, qui semblent tout à fait satisfaits d’être à ce point exploités. À croire qu’il y a un véritable travail de harcèlement sur le terrain, peut-être même, une forme de chantage affectif auquel j’ai répondu hier lors d’une discussion informelle à la terrasse d’un café en disant que je ne trouvais pas sein d’évoquer des départs violents ou des dissolutions pour mettre fin à toute discussion et faire taire toute parole divergente. Être progressiste, ça s’apprend. Soit nous sommes tous inclus, soit nous sommes tous exclus.”

Plusieurs rendez-vous promis tout au long de l’année dévoilent une tentative de renvoyer aux calendes grecques toute forme d’opposition, mais le prochain rapport de l’OFP, qui assistera ce lundi 18 janvier à cette assemblée générale, nous révèlera sans doute une partie suffisamment pertinente de ce qui dysfonctionne en suivant en direct comment se comportera ce nouvel échiquier de minorités.

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