Ce que disent les arbres

— Mon frère m’énerve
— La sueur, c’est dégoûtant.
— Mon cerveau me piège tout le temps.
— L’eau, c’est bon pour les arbres.
On regarde par la fenêtre, le vent fait pencher toutes les branches.
— Je m’en moque un peu, de l’auteur.
— J’ai un sac d’à peu près dix kilos, mais les sacs à roulettes sont interdits, alors, j’ai mal au dos.
Il se place devant la fenêtre.
— Il y a des voitures garées, des arbres, encore des voitures.
— Et le parc ?
— Je n’y vais jamais. Moi, je vais dans l’autre.
Il se prépare : la veste de survêtement installée comme une cape. Il ajoute des lunettes (pas les siennes) et un bonnet (pas le sien). On apprend aussi à lire l’heure.
Mais la fois suivante, plus de montre.
— La malédiction a disparu.
— Il faut détruire les immeubles, faire une zone de lancement, faire une fusée, partir directement dans un autre pays.
— Je me souviens de ma naissance. De qui était là. De ce qu’ils ont dit.
— Les cauchemars, je m’en souviens toujours.
— C’est très philosophique dès qu’on parle du temps.
— Ceux qui ont inventé tout ça sont des sadiques.
— Je veux créer mon propre monde, ma propre religion.
Sur un pull : Super flemmarde.
— C’est plus facile que le théâtre, d’apprendre des phrases et de se laisser guider par le souffle.
— C’est féérique.
— Je suis fatiguée.
— C’était avec papa cette semaine.
Sur un T-shirt : Besoin de vacances.
— C’est dur.
— J’ai mal.
— Dans la cour, on bastonne. On a fait « quelque chose ». Les filles pleurent.
— Ils l’ont bien cherché. Ils disent qu’ils t’aiment alors que c’est des garçons.
— J’y arrive pas.
— J’ai mal au poignet.
— Je sais pas faire.
— À l’école, je suis le deuxième plus rapide de la classe.
— Et c’est qui le premier ?
— Je veux pas dire.
— Mon petit frère, il veut toujours faire à ma place.
— Mes deux préférés, c’est Léonard de Vinci dont j’ai refait le portrait de sa dame célèbre, et Jules César, parce qu’il décide.
— Je n’aime pas recevoir des ordres.
— Je suis brutal. Je fais le coup des mille bras et de la toupie tourneuse. Le gars reste endormi trente minutes.
— Si je ne perds pas de point, je joue à la playstation tout le weekend.
— Je suis catholique, mais je n’aime pas l’église.
Il met le bonnet rose de Garance à qui il apprend, à qui il demande toujours des nouvelles de l’école. Et la géométrie ?
— C’est quoi cette forme ?
— Un rond.
— Et celle-là ?
— Un rectangle.
— Et celle-là ?
— Un losange.
Il est content. Garance avance bien.
— J’ai eu 20/20 partout.
Sur un pull :
Rules are made to be broken
Good vibes only
Go away
Not yours.
— C’était avec maman cette semaine.
Sur un pull : I feel happy today.
— Les garnements se sauvent à l’heure de la cantine pour aller au Mc Do. Ils cassent les vitres avec des billes. Résultat : billes interdites.
Au loin, passent les trains et parmi eux le TGV porte-bonheur.
— Elle a quel âge ta sœur ?
— T’avais quoi comme jeux quand t’étais enfant ?
Il enlève ses chaussures. Jambes croisées.
— Je n’aime pas lire. Ça m’ennuie.
— T’as quel âge ?
— Pourquoi tu es parti ?
— Je préviens, c’est une calamité.
— Bravo le grabouilli.
— Les parents, c’est content pour rien.
— Tu dis que tu viens me voir et t’es bloquée sur ton téléphone.
Alors, elle pleure.
Sur un pull : Whatever.
Sur un autre : Today list – Nothing.
— Il faudrait un trampoline.
— Je ne suis pas stable.
— J’ai mal au poignet. Aux jambes.
Il se contortionne.
— Et qu’est-ce que tu…
— NON, C’EST L’ECOLE. ON A FAIT « QUELQUE CHOSE ».
— Je suis fatiguée. Samedi, couchée tard. Dimanche, la fête encore.
— Je ne suis pas la meilleure en lecture. Ma mère lit plus vite.
Alors, il n’y aurait rien d’autre à inventer.
Il n’y aurait qu’à recopier.
Ces formes de fictions éphémères.
Comme se préparent les violences, dans la cour.
Comme s’insuffle l’esprit de compétition, dans la classe, dans la famille.
Comme se vivent les séparations, dans la vie.
Alors, on aide, à définir la figure du sadique qui nous tiraille.
On rit d’aller un jour sur sa tombe.
De reprendre le pouvoir, comme une vengeance.
Et nous sillonnons les cimetières.
Jusqu’à trouver.
L’image que nous voulions voir, enterrée.
La plaque aux dates délimitées.
Pour enfin nous libérer.