Comme une pluie torrentielle de cauchemars

Je me suis toujours donnée entièrement à mon travail.

Sans lui, je ne serais sans doute rien. Il y a encore quelque temps, je pensais encore qu’il m’avait tout apporté. C’était comme si on m’avait donné le droit de mieux exister. J’étais prête, autant d’années que la loi me le permettrait, à repousser le jour où je saluerai tous mes collègues une ultime fois, mais depuis peu, je ne sais pas trop pourquoi, je fatigue. Je sens comme une menace qui se rapproche. J’entends qu’on parle dans les couloirs, qu’on entre sans prévenir, qu’on se moque lorsqu’on s’adresse à moi, qu’on ne me répond plus qu’avec des énigmes de plus en plus complexes à déchiffrer.

Il y a sans doute plus grand malheur que le mien, mais chaque nuit, dans ma tête, mon esprit s’emballe et se laisse envahir comme si une pluie torrentielle de cauchemars tentait de l’emporter. Je ne dors plus. J’arrive quand j’ai réussi à sortir de chez moi, alors, forcément, je rentre tard, car je dois finir ce que l’on me demande de faire. Enfin, je crois. J’ai l’impression qu’on me demande de tout faire. Je ne sais pas ce qui a changé. Tout devient de plus en plus difficile à comprendre, à atteindre, à supporter.

Je ne demande pas que l’on me plaigne.
Juste un peu de calme.
Un peu de temps.
Pour essayer de comprendre.
Pour me reposer, aussi.