Où le besoin d’une transcendance de la violence s’est vu naître

Fabriquer un livre.
Le livre.
Le dernier espéré,
Ou le premier désiré.
Pour réunir l’œuvre d’un seul personnage monstrueux,
À la fois criminel et victime,
Parce qu’il n’y a plus qu’un seul personnage.
Notre société.
Empêchée de projeter son passé, ne pouvant plus se projeter dans l’avenir.
Incertain.
Aussi, nous écrirons.
Au passé.
Pour lui demander où se situe l’erreur commise.
Où le besoin d’une transcendance de la violence.
Contenue.
S’est vu naître.

Les yeux terrifiés par l’horreur engendrée

Un assassin vient à nouveau d’exprimer sa rage.
Et nous répétons inlassablement la scène sur les écrans dévastés de notre conscience.
Perdue.
On le voudrait agissant pour un monstrueux dogmatisme.
Pas le nôtre, un autre.
Gouverné depuis l’étranger.
Ne nous concernant pas.
Ailleurs, loin, invisible terreur.
Invisible menace.

On ne peut plus faire comme s’il ne s’était rien passé.
Depuis dix ans. Depuis vingt ans. Depuis trente ans.
Parce que les victimes jonchent notre mémoire esseulée.
Et que parmi elles, de nombreuses n’arrivent pas à obtenir leur statut.

De victime.

“Nous les avons abattus”
“Nous les avons stoppés”
“Nous les avons neutralisés”

D’un seul geste, la vérité nous envahit, là, sur notre territoire, nous dévoilant une vaste terre qu’on voudrait contrôler, administrer, avec notre dogme à nous, supposé meilleur parce qu’il ne tuerait plus, alors qu’il continue à former des ennemis, des opposants, et qu’il nourrit encore la nécessité barbare d’une guerre infinie.

Nous avons tort de vouloir ignorer la violence qui nous constitue en partie.

Les yeux terrifiés par l’horreur engendrée, née du flux irrémédiable d’une seule et même évolution qu’on pensait éternellement exemptée de devoir à nouveau dresser des listes de victimes.

Nous devrons compter nos morts, encore, avant de les inscrire, définitivement, sur les pages commémoratives des prochains livres d’histoire que nous tendrons, les mains tremblantes, à une nouvelle génération d’espoirs insensés qui — c’est la seule croyance possible — apprendra aux suivantes comment chaque jour tenter le grand pari d’une paix universellement, unanimement, jugée nécessaire à toute forme d’existence humaine.

Achevons la révolution du système

La Société a changé, mais la révolution n’est pas encore tout à fait terminée.

Nous sommes même encore loin d’y aboutir.
Ce n’est que le début d’un premier chapitre.
Plantez vos cœurs encore vivants dans des corps conquérants.
L’espace qui nous entoure appartient à tous. Nous devons le partager.
Personne ne doit ni être persécuté ni se sentir exclu.
Ni les hérétiques, ni les infidèles.
Ni les femmes. Ni les faibles.

Le critère économique n’est pas le seul valable. Il y a des milliers d’autres critères. Des critères révocables. Des critères respectables.

Nous avons ouvert la voie d’une liberté reconquise en mettant fin aux fonctions de Président.
Nous avons désormais une parole libre. Libre de s’exprimer. Libre d’être représentée.

Après quarante années de dictature.
Après quarante années de silence.
Quarante années de solitude.
Comme la mort. En jachère.

Assez de fils envoyés au massacre pour l’intérêt des autres.
L’intérêt de tous en premier. L’intérêt personnel en dernier.

Nous voyons que malgré toutes ces avancées, l’inquisition est encore très présente. Elle agit dans l’ombre et vous tend des bouquets de roses.
STOP.
ASSEZ.
ÇA SUFFIT.

J’ai été persécutée toute ma vie, mais vous allez bientôt découvrir que j’ai laissé des centaines de milliers de post-it griffonnés et que je les ai tous enfouis dans la terre de l’insuccès. Il vous suffira de labourer et tout fleurira.

La pulsion de l’héroïsme est une mauvaise pulsion.
La seule pulsion qui compte est celle du rythme de votre vie.
Tempo. Presto.
Allegro vivacissimo.

Si vous n’êtes pas d’accord.
Dites-le.
Si vous vous sentez en danger.
Adressez-vous à un bon syndicat (il y en a de très bien).
Ne tuez pas.
Ne harcelez pas.
N’imposez pas votre point de vue jusqu’à détruire l’autre.
Evaluons ensemble qui de l’égalité ou de l’inégalité doit gagner, qui de la liberté ou de l’emprise doit gagner, qui de l’opprimé ou de l’oppresseur doit gagner, qui du pauvre ou du riche doit s’enrichir, qui de celle qui n’a aujourd’hui plus aucun moyen d’expression ou de celui qui les a tous doit être sauvagement dénoncé sur la place publique.

TRIBUNAL DU PEUPLE
PACIFISTE ET HUMANISTE
Année zéro. 45 mars.

Le temps des Jeanne sacrifiées est révolu.
Le Moyen-âge, c’est fini.
Les Orléanais à l’usine.

Ils sont plus cruels, mais nous sommes plus nombreux.

N’en doutez pas et soyez forts.

On ne vous remerciera jamais de dire la vérité.
On ne vous applaudira jamais si vous provoquez en duel un système perverti.
Duel de l’Esprit.

L’évasion fiscale. Ça suffit.
Les privilèges. C’est fini.
L’argent public appartient au public.

Continuons d’écrire l’inachevée devise de notre Société : Liberté, égalité, fraternité, laïcité, droit des peuples de fuir le danger, droit de vivre là où l’on veut vivre, droit des femmes d’être respectées, droit de l’enfance d’être éduquée dans de douces conditions, droit de loisirs et de vie privée, droit d’être étrange, gaucher, roux, tordu, cochon, drôle, triste, terne, silencieux ou bavard, droit d’avoir un ongle peint, un piercing sur l’oreille, un jean trop court, un avatar loufoque, une passion pour les tracteurs, un boyfriend, deux boyfriends, trois sexfriends, un mari, une femme et six enfants, droit de peindre la vie comme on la perçoit et de chanter avec la voix que le Grand Distributeur des Voix nous a offerte à la naissance.

Et achevons la révolution.