“La poésie des textes permet à chacun d’approcher d’un peu plus près la vérité des arguments dans le débat politique qui anime toute société”.
Voilà qui est bien dit.
Il y aurait un théâtre de l’intranquillité, apaisé dès lors que le propos entre en fiction. Il suffirait d’écrire, ou qu’un autre écrive, d’expliquer ce qui s’est passé, simplement, en décrivant les faits.
— Mais ce serait du journalisme, crie la foule désespérée devant l’inconsistance de l’intrigue.
Non, car le journaliste écrit dans un journal.
Le poète, dans un poème.
Une vieille dame s’occupe d’arbres qu’elle a placés sur le rebord de sa fenêtre. Elle regarde ainsi passer les gens, essentiellement des voisins. Elle remarque juste leur présence. Elle leur sourit quand ils la saluent. Parfois, elle perd ses clés et vient frapper chez la gardienne en dehors des heures renseignés sur l’écriteau de la loge, mais la vieille dame ne connaît pas ces règles. Elle, elle a perdu ses clés. Elle erre dans la cage d’escalier depuis plusieurs heures. Elle pense à ses arbres, se demande qui va s’en occuper si elle ne peut plus rentrer. Ils ont besoin qu’on leur parle, qu’on vérifie s’ils ont assez d’eau, s’ils ont assez de place.
— C’est consternant. Il n’y a pas d’intrigue.
Et pourtant, l’intrigue est bien là.
Des arbres, sur un rebord de fenêtre.
On pourrait dire que la vieille dame n’a plus toute sa tête. On pourrait l’enfermer, même. Elle est dangereuse. Elle pourrait ouvrir le gaz et faire sauter tout l’immeuble. Les voisins se demandent si elle a encore une famille.
— Contactons-la !
Voilà l’intrigue.
La vieille dame perd ses clés, mais elle s’occupe comme personne des arbres qu’elle a élevés. Quand ils n’ont plus assez de place, elle les emporte et les plante dans la forêt. Ils sont calmes. Ils sont doux. Ils prennent leur place et se développent. Ils transmettent ce qu’ils ont appris de la vieille dame. Les promeneurs se laissent gagner par leur quiétude. Les arbres continuent de vivre leur vie d’arbre. Ils déploient leurs racines. Ils aident les autres arbres. Ils ne savent peut-être rien de la vieille dame, mais ils sont là, agissant, dans le cœur de la vie.