Et tout le monde sera sur le pont, arme au poing

Qu’est-ce qu’on aime les journées de formation offerte par le contribuable.

Du café chaud, des powerpoints, des directeurs de service assistés de leurs coordinateurs, la bonne humeur à tous les étages pour présenter les nouveautés.

– Vos mails professionnels seront archivés et pourront être consultés à tout moment.
– Ben, euh !
– C’est pour votre bien, votre protection. De toute façon, vous n’avez rien à cacher à votre hiérarchie, et puis, tout de même, il y a un protocole. Ne pensez pas qu’on vienne fouiller dans les boîtes mails de mille cinq cents agents pour le plaisir de le faire !
– Mouhahaha !
– Et puis, désormais, il vous est formellement interdit d’utiliser tout autre moyen de communication pour de quelconques interactions avec le public extérieur.
– Mais, euh ! Comment on va faire !
– Vous n’aurez qu’à envoyer des mails. C’est comme ça, c’est l’avenir. On communique par mail. D’ailleurs, vous passerez tous en rangs bien formés. Ce n’était pas indiqué dans l’ordre du jour, mais nous allons configurer vos smartphones. Vous verrez, on s’y fait vite. Zing-zing (ou sur vibreur si vous préférez) quand vous recevez un message. Vous répondez. C’est aussi rapide qu’un texto. Ah oui, et pour la signature, format obligatoire : nom du service, logo, copie conforme à la hiérarchie.
– À vos ordres ! (voix de robots).

Bien sûr, on ne vous dira jamais qu’on attend de vous une disponibilité permanente. Les vieux syndiqués auraient déjà appelé à la grève reconductible. Non, non, c’est plus subtil que ça. Une question de société. Ça se fait tout seul. On a d’abord tous le même format d’adresse mail. Et puisqu’il n’y a pas assez d’argent pour acheter des smartphones pour tout le monde, vous utiliserez le vôtre. C’est plus pratique. On sait faire. On choisit le modèle qu’on aime. C’est parfois compris dans le forfait. On peut même fusionner les agendas. On ne se refuse pas quelques selfies, et on connecte tous nos réseaux sociaux.

En quelques semaines, c’est nous qui nous mettrons en disponibilité permanente. Parce que, c’est vrai, on trouvera ça bien pratique. Et on ne saura plus, bientôt, s’il est passé 22h ou si c’est dimanche quand on consulte ses mails. Au cas où, et pourquoi pas maintenant puisque je n’ai rien à faire. On intègre le réflexe au quotidien. On travaille cet état de veille permanente. Zing-zing (ou sur vibreur si vous préférez), et tout le monde sera sur le pont, arme au poing.

Parce que c’était subtil, ça aussi, en introduction de la formation. Apprenez à vous protéger les oreilles. Une bombe, ça tue, ça blesse, mais il y a des traumatisés dont on parle peu, ce sont ceux qui subissent un accident acoustique. L’acouphène toute la vie. Et ça va si vite, qu’on n’a pas le temps de porter les mains à ses oreilles.

L’armée disponible. La bombe possible.
Un avenir se prépare qui n’est pas celui d’une paix universelle.
Et c’est nous qui payons cette dérive-là.