Un riche se justifiant d’avoir triché a avoué qu’il lui fallait 6000 EUR par mois pour fonctionner avec trois enfants.
A-t-on réellement mesurer l’impact que pouvait avoir sur les consciences une telle indécence ?
Heureusement, dans sa rue, s’est organisée une petite rébellion, et on a vu défiler des pancartes et brûler des voitures. Le riche n’a plus de pouvoir, mais il n’en est pas moins riche.
Bien sûr, on nous dirait : Qu’avez-vous contre les riches ? Grâce à eux tout fonctionne, tout progresse, tout s’embellit !
Oui, oui, nous avons bien compris, mais ce ne sont pas les riches qui nous perturbent. Ce sont les pauvres. Il y en a trop. Et il y a trop de ces catégories sociales qui, peu à peu, se fragilisent, car, on le dit vite, mais on aime le répéter : une partie non négligeable se précarise. D’années en années, elle a moins de moyens. D’années en années, moins de stabilité dans le travail. D’années en années, elle se dit, ah ben oui, mais j’peux pas, et s’enferme chez elle à se goinfrer de mayonnaise en regardant des pubs de dentifrice.
Nous ne verserons pas dans la facilité en disant comme on l’entend dans les maisons de retraite que c’était mieux avant et que tout se dégrade.
En 1990, 1926 milliards d’êtres humains vivaient avec moins de un euro par jour. En 2015, ils sont 836 millions. L’extrême pauvreté est passée sous le seuil de 10% de la population globale. Ce que ça veut en partie dire, c’est qu’il y a encore du chemin à faire, mais qu’il ne faut pas le faire en disant que c’est de pire en pire. Parce que l’humanité s’améliore même si, c’est difficile, bien sûr, d’en voir se battre sur nos écrans, d’en voir tendre la main dans nos rues.
Nous notons simplement que pendant que les plus riches ne cessent de s’enrichir, une part non négligeable de notre chaînon social a tendance à se fragiliser et à ne pas s’en rendre compte. À ceux-là, nous dirions : méfiez-vous. Vous êtes la catégorie sociale qui, justement, laisserait des trésors s’évaporer parce que vous vous laissez malmener. Globalement, c’est à nous de réagir pour que les progrès soient plus rapides. C’est à nous d’agir pour stabiliser le socle social, parce qu’au fond, nous rédigerions une histoire de notre Société dans les années 1930, nous utiliserions les mêmes mots, à part que depuis, le pouvoir s’est un peu mieux déguisé, et qu’il n’avance qu’à coups de petites marionnettes bien placées pour manipuler les foules. Mais ne nous y trompons pas. Aucune véritable nouvelle de ce qu’il y a d’humain dans tout cela ne nous parvient vraiment, à force d’avoir été le sujet des expressions du pouvoir. Et plutôt que de ressasser le passé en expliquant par quelques métaphores ce qui est arrivé hier, autant écrire plutôt ce qui se passera, comment nous allons organiser un nouveau putsch à l’intérieur du système qui, même s’il s’est largement amélioré lorsque, tous ensemble, nous avons pris la décision de déstabiliser tous les petits chefetons qui n’avaient qu’un plaisir dans la vie : gueuler comme des putois, il nous semble que les libertés acquises ne suffisent pas pour, justement, suffisamment détourner nos vies du réel et que nous devons encore améliorer deux trois petits articles dans l’immense règlement de nos vies intérieures.
Alors oui, admettons-le. Nous avons encore à nous former, et nous y participerons. Jogging à 6 am, tour du parc et du lac (si la forme le permet), douche, petit déjeuner énergétique, premier cours à 9 am précises, lesson one : comment ne plus jamais rien dire de stupide à l’aide de trois philosophes, une romancière et deux poètes. Exercices de langage. Traduction des anciens en six langues. Débat houleux à propos d’une religion de l’art. Nous n’aurons rien à finir vraiment. Juste à nous saisir de thèmes à développer, de pensées à continuer.
Il est vrai que tout cela peut paraître un peu disciplinaire, mais nous devons constater qu’à part utiliser les mêmes tics de langage pour dire au monde qu’on surferait sur l’immense malaise politique et social, sur la vague d’inquiétude qui agite la population, sur le revenu de base, sur les fonds de méconnaissance des citoyens et des faits historiques, tout en pratiquant l’art de l’occultation, du déni, voire de la falsification, il n’y a rien de réellement subtil qui en ressort. Franchement, tout cela nous tombe des mains.
Il n’y a qu’à voir le nouveau format du WEB, avec cette manière à présent toujours vu à la télé du micro-format, de vidéos entrecoupées, heurtées, de textes mal lus et mal commentés, ce qui fait la une des journaux où on invente chaque saison une forme de chronique avec un présentateur faussement intéressé qui a, posée devant lui quelques minutes avant de prendre l’antenne, une liste de sujets qu’il interroge pour remplir une plage horaire, ne s’intéressant plus qu’au buzz qu’il provoquera, et jamais au contenu. Ce format doit être détourné pour devenir une véritable bombe posée à l’intérieur-même des consciences collectives, car la comédie à laquelle nous avons assisté dans un des châteaux sauvegardés par l’histoire des fausses révolutions, accueillant un Seigneur et sa suite, était brillante et romantique, mais cela ne nous satisfait pas pleinement. Il nous manquait un élément essentiel : l’occasion de s’asseoir sur un banc de pierre au milieu des roses pour lire un poème en dansant dans la brume.
Oui, l’esprit a besoin de s’égarer. Il a besoin d’imaginer. Il aime inventer et créer. Juste admirer la beauté qu’il produit. Inutile de tout nous flécher, de nous dire quand il faut traverser, à quel portique il faut passer, où il faut faire ses besoins. Nous sommes au courant du danger, nous savons nous diriger, et côté besoins, comment dire, ça ne vous regarde pas.
Craignez le mouvement qui se prépare, car cela vous aura échappé, mais beaucoup d’entre nous sont désormais suffisamment émancipés pour être plus exigeants quant à la qualité de vie à laquelle ils aspirent. Nous savons que c’est difficile d’aller jusqu’au bout d’un texte. Nous savons que nous y plaçons quelques ronces pour éviter qu’un curieux mal intentionné n’y vienne mettre son grain de sel. Nous savons, aussi, qu’il s’agit essentiellement de mettre le principal objet à la fin, quand la plupart de celles et ceux qui auront effleuré seront déjà sur les pages « les plus incroyables accidents d’avions », croyant qu’il n’y aurait là qu’un pamphlet idéologique servant d’anarcho-thérapie à d’impuissants citoyens passant leur détresse dans l’alcool et les substances interdites.
Ce qui nous semble essentiel est de maintenant révéler nos pratiques tout à fait légales concernant une mise en fonction de la liberté d’expression avec, au centre, l’accusation bien fondée de dérives autoritaires auxquelles chacun d’entre nous s’est déjà confronté.