Les tristes conséquences des nouveaux statuts

Nous aurions à remplir un contrat, à mettre en place des projets, à définir ce que serait un nouveau statut, non de victime, mais de non-victime-possible, supposant qu’on ne referait pas le passé et que nous viendrions évoquer un sujet tourné vers l’avenir.

Les voici, donc, légalement déclarés.
Article fondamental : collégialité et responsabilité partagée.

C’est là que se concentrera notre action, désormais, rappelant le rôle que nous avons choisi d’assumer, préférant être là où nous sommes justement égaux, afin que des nouveaux modèles s’installent, pour créer, pour durer.

Pour que les conséquences soient bel et bien un nouveau choix disponible. Pour la pensée.

Ce ne sera pas totalement faire comme s’il ne s’était rien passé, ou comme s’il ne se passait plus rien, car de tout ce qui est illégal, punissable, y compris, par la morale actuellement en fonction, nous aurons, malheureusement, — et peut-être même durant tout notre vivant —, toujours à constater, dénoncer, juger, défendre, protéger, réparer. Ça, il ne fallait pas le faire. Maintenant que c’est jugé, voyons ce que nous ferions du criminel qui a purgé sa peine. Qu’il se soit repenti, qu’il regrette, qu’il ait compris pourquoi il a été condamné, nous ne le saurons que s’il l’exprime. À défaut, nous l’intégrerons. Et s’il ne regrette rien, s’il n’a pas compris la raison de sa peine, s’il ne change rien à son comportement, c’est que nous l’avons laissé dans la case « criminel », que nous avons choisi, — oui, nous, société —, de vivre avec, là où il continuerait à agir, avec d’autres victimes, en cours de formation.

Puisqu’il est si difficile de savoir, adoptons l’article suivant.
Toute décision sera prise par consensus.
Rien ne sera plus voté sous la pression.

Et postons le criminel potentiel et la victime potentielle dans une même pièce.
Ils sont, donc, tous les deux responsables de ce qui arrive à partir de maintenant :

LE CRIMINEL
Moi, moi, moi, moi, moi, moi, moimoimoi, moimoimoi.
J’ai raison, tu as tort.

LA VICTIME
Il ne s’agit pas de savoir qui a tort et qui a raison, il s’agit de prendre une décision collective pour l’avenir.

LE CRIMINEL, une arme à la main
LA MIENNE !

LA VICTIME, qui ne veut pas mourir
All right.

Nous vous avons observés, et voici nos conclusions : ceci n’était pas un consensus, car la victime ne s’est pas exprimée.

LA FOULE, qui aimerait que tout aille plus vite
QU’ELLE S’EXPRIME !

LA VICTIME
Je, je, je, je, je, je, jejeje, jejeje…
Ne peut pas s’exprimer, et s’effondre en larmes.

LA FOULE, qui aimerait bien aller manger
Il faut une tierce personne, qui aidera à prendre une décision.

LE CRIMINEL
Un président.

LA VICTIME, qui a consulté les nouveaux statuts
Ce poste n’existe plus.

La tierce personne arrive. Elle écoute Moimoimoi, puis Jejeje, puis vient aussi mettre son grain de sel, ses utopies, ses désirs, car elle ne veut pas, non plus, n’être qu’un médiateur.

LE CRIMINEL
Et maintenant, votons.

LA TIERCE PERSONNE, qui, elle aussi, a consulté les statuts
Ce n’est plus un mode de décision possible.

LE CRIMINEL
Alors, je bloque tout en m’opposant à tout.

Et tout est bloqué. En effet. Rien de ce que nous n’aurons pas formulé ensemble n’aura lieu et aucune décision ne prévaudra. Bloquée, aussi, la situation qui aurait permis à un criminel potentiel d’agir sur une victime potentielle. Ce n’est pas si mal. C’est même un grand pas. Et nous ne ferons rien tant que nous n’aurons pas évalué ce qui fait un criminel potentiel, son extravagant sentiment de puissance, ce qui le pousse à sortir une arme pour persuader.

Alors, nous pensons, qu’il avait l’impression de manquer de place, qu’un étranger l’envahissait. Toujours, toujours, au moment où il voulait s’exprimer, on lui coupait la parole, on ne l’écoutait pas. Autre chose était toujours plus important. On oubliait. De remarquer. De remercier. De féliciter. Et on parlait d’autre chose. Il se demandait ce que disait la loi à ce sujet, et la loi ne disait rien. On avait institué le silence, les non-dits. Devant, tout allait bien. Derrière, tu n’existais pas. Jamais de reconnaissance. Au point de faire des colères sur le tapis pendant le journal télévisé. Au point d’énerver tout le monde par ses cris. Jusqu’à la fessée, enfermé dans un placard, puni de dessert.

Des larmes.
Toute une nuit.
Tant de nuits.
Jamais entendues.

Alors, dans la cour de récré, il était devenu un caïd. Anti-système, inéducable. Transgressif. Tu arrives à l’heure. J’arrive en retard. Tu réponds bien. Je réponds mal. Tu as 16. J’ai 4. Tu passes et je redouble. Je m’en fous, j’ai volé une mobylette. Tu travailles et je ne travaille pas. Je m’en fous, j’ai volé un portefeuille. Et la vie continue, et nous vieillissons, et nous nous retrouvons, dans une même rue, moi, avec ma nouvelle loi, toi, avec ta soumission, et je suis plus puissant que toi, parce que j’ai, depuis, fabriqué des armes infaillibles et que toi tu fais confiance à une justice qui ne te reconnaitras que lorsque je t’aurai agressée.

LE TIERCE PERSONNE
Laisse-la tranquille. Elle n’est pas responsable de tout ton passé.

LE CRIMINEL, comprenant qu’il est aussi une victime
Je, je, je, je, je, je, jejeje….
Ne peut plus s’exprimer et s’effondre en larmes.