Afin de pérenniser notre action, l’idée d’une nouvelle association du Bonheur a germé le mardi 11 avril 2017 aux alentours de 20h00 lorsque Clara, Ginette, Bernard et Gérard se sont retrouvés au Bistrot juste au coin de la rue, pour discuter de la mise en place administrative, — loin des « cons qui veulent toujours changer la place d’une virgule » —, c’est-à-dire, entériner (Oh, ce mot qu’on aime tant, désormais, que vous le verrez partout) qu’il y aurait, d’un côté, ceux qui s’occupent des matières de la vie et, de l’autre, ceux qui en profiteront en voyant fleurir sur nos fenêtres les arbres de nos aînés. Aussi n’avons-nous évoqué que les « choses nécessaires » qu’il faudra signer, acter, voter, tel que renseigné à l’alinéa 10 du Présent Nouveau Règlement :
Alinéa 10 : Vide greniers, étagères avec des livres dans les cages d’escalier, balades en vélo, atelier cadeaux pour la fête des mères, atelier photo le mercredi, réunion politique ce soir, à 18h30, dans un bar, c’est marqué, DBAO, De Bouche à Oreille, pour échanger des vêtements, en septembre, en avril, pour les enfants, quand c’est trop petit, quand c’est trop grand, qu’on veut juste échanger, troquer, prêter, avant le suivant, avant l’été, pour alléger les étagères qui s’accumulent de vies, de mystères, pour libérer des tensions, des mots que nous n’avons plus envie de voir, même déposés au fond d’un tiroir, un projet du commun, une facture à payer, pour se souvenir, comme une liste de courses, admettant concrètement et immédiatement qu’il vaut mieux d’abord évaluer si nous sommes en capacité de rendre un service quand on nous le demande avant de systématiquement et immédiatement le refuser.
La fictionnalisation n’est plus un système qui nous intéresse. Il est vrai que d’un point de vue administratif, c’est alléchant, mais voyez-vous, il est des choses dont nous n’aurons plus jamais besoin, parce que nous avons nous aussi compris qu’il fallait arrêter de croire que quelqu’un viendrait nous sauver, à la veille de toutes ces innombrables échéances qu’on nous jette en plein visage, sans que jamais personne ne se soit demandé comment faire pour payer quand on n’a plus d’argent, qu’on n’arrive plus à dîner tous les soirs, à cause de la société qui s’est, on ne sait pas, on ne sait plus le dire, ou on l’a oublié, peut-être, comme un traumatisme, émiettée, écorchée, peut-être juste abîmée, à vouloir trop contenir, comme nous l’avons vu, ce soir, l’abominable Royaliste, soi-disant, nous dire, comment nous apprendre à exclure, à punir, alors que, désolé, no way, ici, c’est privé, c’est le slam, c’est la section que tu ne comprends pas, là où ça fait mal, de toujours devoir recommencer à expliquer parce que tu n’as pas pris la peine de lire le début de l’histoire, alors, oui, pour toi, juste pour toi, je vais recommencer depuis le début, Once Upon A Time, un conte de fée, où l’héroïne allait rencontrer son prince charmant pour discuter, enfin, de ce qui lui faisait mal tous les jours, non pas la migraine de l’ordinateur, mais la douleur qui revient, permanente, le soir, rien d’autre à dire, ça fait mal, ça fait juste mal, et ensuite, il faut trouver un moyen de se redresser, et d’essayer, de dire, oui, mais elle n’avait pas pu, parce que, nous ne comprenons pas, elle a disparu, peut-être dans les attentats, là, tout près, vous n’êtes pas au courant ?, des attentats ?, où ça ?, j’ai rien vu, j’ai piscine, j’ai gastro, alors que c’était là, juste à côté de moi, un gamin, qui était tombé, que j’aurais pu ramasser, quand je le voyais dériver, tu sais, au moment où ça décline, il dit moins facilement bonjour, il fait semblant de ne pas te reconnaître dans la rue, mais en fait, il te regarde, constamment, depuis une fenêtre, depuis une cage d’escalier, le criminel, peut-être, un voisin, alors, il faut dire, il faut punir, enfermer, exclure, comme l’autre le dit, là, oui, celui-là, qui a piqué du pognon dans la caisse, l’ex Président ou qu’est-ce ?, si ce n’est toi, c’est donc ton frère. On voulait savoir, juste savoir. Et quand le peuple ne sait plus, il devient assoiffé de revenir à la source de ce qu’il y a de plus humain entre nous, fondant, refondant, oui, nous ne faisons que ça depuis des siècles parce que vous n’avez de cesse de vouloir le détruire, notre projet, notre projet de société, mais cette fois-ci, c’est nous qui avons gagné : les compte-rendus seront désormais rédigés. Avec des dates à l’intérieur.
— Ce n’est pas compliqué, Martine ! Dois-je vous le répéter encore une fois ?
— Non, monsieur. J’ai bien compris. Un compte-rendu. Avec des dates à l’intérieur. Ça veut dire : Nous avons décidé de nous revoir le mercredi 3 mai, à 20h00, chez Pierre-Yves, ou, s’il fait beau, au Jardin du Ruisseau, pour faire une assemblée constitutive administrative et définitive. Nous entérinerons (encore !) notre union, l’ancrerons dans le présent et l’appellerons comme sonne le Bonheur du Jour, comme il résonne dans la bouche, avec un bel hashtag publicitaire pour les réseaux sociaux.