Observons les milieux où il n’y a plus aucune circulation de parole entre les personnes ou entre des groupes de personnes.
La peur grandit, on ne peut plus rien exprimer, l’agressivité devient insupportable.
INACCEPTABLE.
Des régimes totalitaires sont en germe parce que nous avons fait une erreur de discernement. Nous avons cru que chacun était occupé à remplir la tâche qui lui était assignée, avec honnêteté, alors que certains, — nous l’apprenons souvent trop tard —, l’étaient à créer des clivages, des zones de conflit, des sujets d’incessantes discordes, imposant à la manière d’un juste une règle inextricable.
Nous n’avons rien à perdre à rendre ingouvernable ce que nous jugeons intolérable. Il n’y a là aucun risque. Il suffit de constituer une majorité de blocage et de refuser de participer à un système que nous souhaitons voir évoluer. Faisons-nous élire là où les lois s’écrivent et écrivons-les. Ou refusons que celles qui créent de l’inégalité ne soient votées avec la mention “lues et approuvées par le peuple tout entier”.
Comptons-nous.
Si nous sommes cinq, si nous sommes dix, si nous sommes des centaines.
Et si nous sommes seuls, — car il suffit d’un seul —, écrivons des romans, des poèmes, des chansons, des fausses listes de courses avec, raturés, les articles périmés, jetées au sol au hasard des rencontres, écrivons avec nos corps, dans la rue, sur les places, avec nos présences, nos regards, notre opinion constamment relatée au comptoir d’un café, malgré l’état de toutes les soi-disant urgences, malgré les soi-disant interdits d’un devoir de réserve, pour dire qu’il y a dans certains endroits d’une société dite de droit des pouvoirs qu’on laisse, collectivement, par respect, par habitude, par tradition, entre les mains de futurs criminels, écrivons dans l’attention publique qu’untel a fait ça, qu’untel a dit ça, qu’untel gagne des millions, qu’une loi n’est pas respectée, qu’un cadre est dévoyé, qu’une liberté est bafouée, qu’une nouvelle forme de révolution s’engage, lisons-nous comme un conte médiéval qu’on trouverait dans les archives d’une veille bibliothèque municipale, relatant jour après jour le combat d’insurgés sacrifiés.
C’était dans la lumière brillante d’un jour éclatant de soleil, les places étaient occupées, les manifestants étaient dépouillés de leur moyen d’expression, les opposants, surveillés, les révoltés, condamnés, les possédants, graciés ou diplomatiquement ignorés.