Nous serions tous d’accord pour examiner vos premiers rapports, mais il faudrait que vous repassiez par la case départ, parce qu’il y a ici quelques erreurs à éviter, que vous n’auriez pas commises si vous aviez consulté le « manuel du parfait écrivain », distribué dans le hall de l’entrée, en face des revues hebdomadaires.
Tout d’abord, il faudrait trop écrire pour ne plus avoir qu’à choisir dans une masse de brouillons mal rangés, au hasard du moyen avec lequel l’écriture choisit de se rappeler à l’ordre, par un titre, par exemple, ou par le moyen irrationnel grâce auquel une partie a été oubliée dans un dossier où elle n’aurait jamais dû être classée, comme par une vulgaire négligence administrative, sans évoquer les carnets accumulés ressemblant à des listes de courses, les sauvegardes multiples, désormais là-bas, ailleurs, les versions 1, les versions 2, les versions 3, les versions lambda.
Dès lors, il n’y aurait plus de panne d’inspiration, et personne ne vous attendrait au tournant. Il n’y aurait plus non plus cette angoisse permanente qui persiste à croire qu’une idée viendrait à s’échapper parce qu’elle n’est pas exploitée tous les jours jusqu’au bout. C’est une erreur, ça aussi, de jugement, et de débutant, que vous auriez évitée en lisant le manuel.
Il y aura bientôt trop, pour avoir le plaisir de ne plus avoir à développer, mais, au contraire, pour retirer, bêtement, tout ce qui ennuie, tout ce qui semble pénible, tout ce qui, au moment où un texte s’est écrit, vient là pour meubler le temps de celle ou celui qui l’écrit. C’est une sorte de distraction du sensible. Vous vouliez écrire dans le déductif, voilà donc ce que n’importe quel programme informatique aurait réussi à faire à votre place.
Et puis, nous ne sommes plus ni dans une même énergie, ni dans un même lieu. Chaque chose a sa place… Je serai toujours là pour vous rappeler l’au-delà-sujet du texte.
Des écritures en cours appellent d’autres écritures. Elles mûrissent grâce à des projets qui s’installent malgré l’espace indisponible. Elles s’imposent, et rien en vous ne pourra les exclure, surtout quand vous avez décidé, ici-même, que rien ni personne ne serait exclu.
Ce n’est pas seulement la question d’assumer. C’est aussi la question de remarquer comment des outils se sont préparés, comment ils se sont emplis de contenu. Bientôt, comme jamais, vous assisterez au grand bombardement que les agents de notre société encore jeune d’avoir été nouvellement créée ont projeté d’inscrire dans la continuité d’une nouvelle année d’existence pour non seulement tuer dans l’œuf les dictatures en gestation, mais en tuer l’idée-même dans toutes les essences de la pensée.
Et pendant que les robots brasseront, c’est bien vous, pour finir, qui en profiterez, dans la réalité. Alors oui, écrivez des rapports, mais, par pitié, mettez-y une once de poésie afin que vos écrits restent dans l’éternité.