Où se sont dites, irréelles, les vérités

Elle parle à ses arbres.
Elle leur dit vous avez tout un peuple à protéger.
Ce serait comme un thème.
Le thème de la vieille dame.
Ou celui des arbres.
De planter. Protéger. La nature.
Ou disperser. La nature.
Ou, pourquoi pas. Conquérir. Ce que nous sommes. Notre être. De chair. De poésie. De mystères. Dans la durée. Constamment. En n’allant plus que cueillir. Ou s’inspirer de ce que nous avons planté, protégé. Comme une alternance entre désirs et doutes. Laisser prospérer. Ajouter. Remplacer. Soutenir, aider, abandonner.
Dans une terre gelée.
Essayer.
De toute façon, il faudra que quelqu’un prenne une décision.
Quelqu’un devra faire un choix.
Alors elle va couper, puis retirer, peut-être même greffer, tout de même, mais avant, elle regarde. Elle regarde longuement, et surtout, elle attend, pour ne pas céder à l’impatience, de voir tout mieux qu’avant, tout de suite, en un clin d’œil. Elle place l’impatience dans l’imaginaire. L’irréel. Où elle serait magicienne. Où, à coup d’enchantements, elle ferait tout fleurir, là, tout de suite, au cœur de l’hiver. Ce que ce serait de voir toutes ces fleurs, d’un seul coup, ce printemps avant l’heure. Toute excitée. Comme une enfant timide qui jusque-là n’avait fait aucun bruit et qui, pour une première fois, a osé tirer sur une sonnette d’alarme.
Elle rit.
Les oiseaux de l’imaginaire sont aussi de la partie. Elle rit de se savoir au centre de tout ça, essaie de chasser les images de la tentation. La tentation de l’impatience. Mais n’y arrive pas. Les oiseaux sont là. Les écureuils courent. Le soleil grimpe d’un coup et tout le monde se met à danser de voir le printemps arriver au cœur de l’hiver. Elle rit de n’avoir plus de mesure, de mettre tout en même temps, de voir tout déborder. L’hiver et le printemps en même temps. Quelle folie. Réussir à penser ce qui serait impossible. Ce qui serait rendu impossible juste parce que l’un et l’autre s’empêcheraient de tout simplement être. De fleurir. De ne jamais avoir su attendre.

Longuement.

L’imaginaire comme un temps d’attente. Pour tout rendre possible. Tout explorer. Parce que la décision, elle sait qu’elle va devoir la prendre. Elle est seule. À décider. Que celui-ci a besoin d’un peu plus de lumière. Que lui est trop petit. Que lui souffre, en silence.

Alors elle va greffer. Couper. Retirer. Peut-être même jeter. Comme elle aurait tenté. L’impossible. Plusieurs solutions, d’abord, en pensées. Semblant regarder celles et ceux qui passent sous ses yeux. Dans une cour d’hiver. Se dépêchant de rentrer. À cause de l’hiver. À cause du froid qui saisit. De l’impatience, encore, de se sentir au chaud. Dans le paradoxe de la nature. Avoir chaud en plein hiver. Comme cherchant une issue pour être là, au printemps, bien vivants. Voir le soleil envahir les corps. Où se sont dites, irréelles, les vérités. Inexpliquées. De l’inchangé.

Comme là, toujours là.
Jamais parti, jamais absent.