Nous étions plusieurs à venir y soigner une souffrance ancienne

Une limite se fixe, dans un premier temps, car il ne s’agit pas de se laisser emporter par quelque émotion envahissante, presque trop enthousiastes d’avoir trouvé, un matin, un terrain complètement libre d’expression. Alors, la deadline agit sur les moyens disponibles de voir une forme surgir, sans raison apparente, sans projet définitif, sans avoir à imaginer ce que serait la réalité d’un emploi à grande envergure de ce qui ne sera jamais qu’un espace partagé avec quelques-uns seulement. On regarderait notre entourage passivement, ne faisant que relayer des manifestations stériles de nos inaptitudes. La gestion au quotidien devient alors infernale, car elle ne fait que montrer en permanence ce qui ressemble à un échec. Tout devient négatif. Le désir créatif s’amenuise. Chaque objet qui se dépose dans la pensée ne fait qu’y rester pour des temps indéterminés et ne s’aperçoit plus que ce qui s’oblige à la considération présente. De cela, aucun remède n’est efficace à force d’avoir été chacun réemployé à de trop nombreuses reprises. On sort les vieux dossiers. On aimerait classer. On aimerait calmer. Le trouble se fait insistant parce que la douleur propulse dans l’inactivité. Ainsi, je me vois ouvrant la fenêtre et criant à l’inconnu. On conclura qu’il était fou. Le lendemain, on aura oublié. Le défilement continu permet cela. On ne fixe pas l’intérêt premier qui n’a d’autre objectif que de générer une réalisation de soi à travers les outils de l’invisibilité, pour mieux satisfaire ce besoin de toujours se détacher de ce qui ne ferait que déstabiliser encore quelques certitudes semblant ne faire que ponctuellement surgir pour rassurer l’esprit d’être encore dans un cadre fonctionnel alors qu’il ne fait plus que produire l’indicible. Cela se manifeste comme un jugement à l’encontre des personnes les plus proches, rencontrées à l’échelle temporelle d’une mémoire reconnaissable, mais à partir du moment où ne se prend en considération que l’effet réel sur le présent et que rien de ce qui pourrait arriver ne se suppose autrement que déjà là s’exprimant d’une manière ou d’une autre, il devient presque trop difficile de ne plus être que dans la partie la plus inaccessible de l’être. Il ne s’agirait plus alors que de feuilleter quelques pages en amont pour se laisser séduire. Or, tout ce qui a été ressenti tient à se déployer autrement. Les yeux se perdent le long des lignes. L’esprit n’a plus le temps d’accrocher le sens complet. Il capte des mots au passage. Il se programme. Et puisque ce qui adviendra se voit, là, à ce moment précis où tout n’est plus que concentration, il se produit un acte de l’impensé. Il est temps, donc, de mettre en œuvre, c’est-à-dire, d’appliquer strictement ce qui vient de s’envisager dans l’immédiat. L’évidence s’y décèle plus aisément. Nous sommes trop sollicités. Rien ne nous y oblige, pourtant. Il suffirait de le décréter. Nous nous sommes quelque peu emballés à trop vouloir suivre la cadence que nous pensions pouvoir tenir pour feindre d’avoir tout autant de moyens que tous ces systèmes mis en place depuis tant de décennies que personne n’imagine qu’il en soit autrement du jour au lendemain. C’est cependant ce que nous allons décider. C’est maintenant. Et une fois de plus, le lire est trop tard pour agir encore sur l’orientation qui vient d’être choisie. Regardons. C’est si touchant de voir tout cela naître. Il ne servirait à rien de comparer à quoi que ce soit puisque nous venons de concevoir ce qui ne s’est jamais fait. Oups. Vous seriez venus un quart d’heure plus tôt, vous auriez pu nous faire part de votre point de vue et développer votre théorie. Parce qu’au fond, nous avons quelque peu testé le degré d’intérêt que certains d’entre vous tentaient de concevoir à partir d’une imagination sans fondement réel, et cela, encore une fois, ne nous convainc pas. Ah ben oui, le passé immédiat cherche à nous rattraper, mais nous l’avons encagé dans une pièce d’où il ne ressortira qu’une fois qu’il se sera défait de ce qu’il envisage tout le temps comme une destruction permanente du vivant alors que nous nous sommes réunis, justement, parce que nous sommes animés par l’exacte conviction contraire, qu’il y a, parmi nous, suffisamment d’éléments pour former une réalité optimiste de ce que l’humain produit pour n’être qu’un des moteurs du progrès. Nous laissons voir une partie de la méthode qui, jusqu’à présent, n’a fait que s’enrichir et prouver sa constante adaptabilité. Nous glissons d’un univers à l’autre. Nous « conduisons ». Des rapports circonstanciés vont être rédigés et tomber dans le domaine public plus tôt que prévu, car nous en avons assez d’attendre que la crédibilité soit constamment invoquée au profit d’une classe dominante ne cherchant qu’à maintenir sa supériorité. Ne faites pas les surpris. Nous serions presque à nous demander à quoi vous vous attendiez. Trouver une sorte de preuve qui vous aurait servi le jour de l’incrimination. Ce qui se déroule sous vos yeux n’a aucune autre conséquence que de générer la pensée là où elle se fixe véritablement. Copiez, collez, déversez dans le monde entier. Sorti de son contexte, cela n’a plus aucun autre sens que celui que vous voudrez bien y attacher. C’est vous qui vous faites interprètes et qui vous rendez responsables de la manière de recevoir la globalité d’une démarche dont le principe est de mettre en mouvement la sensibilité, la perception, puis, comme nous l’espérons, la curiosité et la compréhension. L’outil qui nous a manqué au moment où nous cherchions quelque explication aux contradictions de la pensée, nous l’avons créé et nous l’avons utilisé pour nous-mêmes, pour notre formation interne, pour que chaque matin nous ayons, à portée de main, ou sous les yeux, de quoi porter notre voix en cours de rééducation. Quel que soit le support, ce qui nous intéresse est de voir et de signifier l’évolution d’une sorte de cœur de bataille. Ce n’est pas une zone de conflits, c’est le lieu où se met à vibrer l’émotion, ce qui fait résonner la poitrine, ce qui fait prendre conscience du souffle s’adaptant à une formulation chaque fois de plus en plus identifiable. Nous aurions pu céder à l’impatience. Comme jadis, nous précipiter sur la touche « envoyer », « publier », « commenter », mais nous avons adopté collectivement une stratégie qui ressemble de très près à ce qui nous a semblé être à l’origine de votre pseudo puissance d’action : la programmation. Maintenant, nous vous sentons trembler, car le mot vous fait penser à ce que vous avez peut-être lu. C’était il y a peu de temps. La mémoire en est encore toute troublée. Des mots en bataille ! Cela devient insupportable. Le cabinet des urgences est convoqué. Trions, analysons. Nous en oublions l’essentiel. Nous ne savons plus de quoi il s’agit vraiment. Ils affirment une méthode comme ils tiendraient les actes d’un manifeste, mais ce que nous percevons ne vérifie rien de tout cela. C’est très simple. C’est à cause du socle que vous n’avez pas vu. C’est à cause de la variabilité que vous n’avez pas pensée. Et de la cadence qui vous a échappée. Mais comme nous sommes plutôt bienveillants, voici quelques pistes de réflexion : 1, qu’il fallait voir dans l’existence d’un travail en cours un réel travail en cours ; 2, qu’il fallait remettre quelques éléments dans l’ordre avant de conclure idiotement que nous nous étions égarés dans l’insensé ; 3, que tout se ressemblait un peu mais s’identifiait malgré tout ; 4, qu’il y avait des dates, des jours, des duperies, des évidences qui, tout au long des mois, auraient pu se vérifier amplement à la lumière d’une certaine perspicacité ; 5, qu’il y a des périodes d’absences non justifiées durant lesquelles auraient pu se manifester, au minimum, une surprise, au maximum, une inquiétude. 6, 7, 8. Ce sont les listes infernales. Nous en avons des caisses pleines. Nous les utiliserons en permanence pour inverser le jugement de valeur. C’est une technique que nous maîtrisons bien désormais. Oui, pourrez-vous crier à qui veut l’entendre, mais vous n’êtes pas passés par la case consécration. Et vous l’entendrez venir du fond de nombreux foyers que vous n’avez pas pris la peine d’inspecter. Il vous arrivera en conscience comme une clameur effrayante. Ce rire de moquerie que nous avons voulu retenir jusqu’à ce que vous manifestiez le degré de votre intolérance. Vous étiez de celles et ceux qui distinguent, qui autorisent, mais depuis maintenant de nombreuses années (comptez en siècle, désormais), vous avez été destitués. Il y avait des traverses. Il y avait des personnes qui aimaient aller s’asseoir sur des marches pour écouter de la musique en regardant un paysage et en buvant des bières illégalement vendues à la sauvette. Il y avait des textes qui ne circulaient que dans des cercles restreints, des correspondances que vous n’aviez jamais lues, des rencontres dans des bars, des rencontres dans des salles de sport à la Fight Club, des amis qui se tenaient la main devant l’ivresse de quelque beauté qui ne coûtait rien, et nous avions imaginé que, pour elles, pour nous, pour nous en mêler, pour nous y sentir partout chez nous, décalés du reste des préoccupations marchandes, assouvis de l’immense débat toujours en action dans chaque bonjour adressé, chaque sourire, chaque porte tenue, chaque regard amusé vers un petit groupe aviné, chaque pensée vers notre propre identité, car elle était là, notre sève politique, elle coulait réellement dans notre corps social, elle liait les groupes, elle ne pensait plus qu’il y avait sur notre sol quelque étranger qui n’aurait pu y rester le temps qu’il le désir, l’étranger n’était pas là, l’étranger était ailleurs, l’étranger était dans les têtes de celles et ceux qui tentaient de nous manipuler en nous dépossédant de notre puissance politique, en nous imaginant incapables de compter, de prévoir, de faire des bilans, de saisir un livre que nous pourrions brandir au milieu de la foule pour soulever la rage de nos loisirs constamment encadrés par des lois de soumission parcellisant une société qui, malgré cela, ne faisait que transgresser en permanence les codes injustement affichés de votre idéal officiellement, asseyez-vous, cela va être difficile à admettre, en voie de destruction.

L’enfance victorieuse

On ne pouvait deviner ces drôles de réunions que nous entendions s’organiser dans l’appartement d’à côté qu’aux horaires un peu stricts auxquels des grappes de personnes légères entraient ou sortaient et se retrouvaient attroupées dans la cage d’escalier ou bloquant l’ascenseur. On ne se serait peut-être jamais inquiété de quoi que ce soit si un voisin n’avait pas été, un jour, été obligé par on ne sait quels travaux sur le réseau câblé, de passer toute une soirée à regarder l’écran noir de sa télévision en tripotant son téléphone portable sur twitter pour tout de même suivre en direct la finale d’on ne sait pas quoi non plus et qui, d’abord, s’était pour la première fois aperçu, alors qu’il vivait là depuis de nombreuses années, que les murs de son appartement étaient de vrais papiers à cigarette à travers lesquels on pouvait deviner, si on s’y intéressait un tant soit peu, chaque mouvement, le moment où une mère criait À table au reste de la famille, les claquements d’une porte, les musiques préférées d’un adolescent en phase d’émancipation, et donc, ce soir-là, les vives discussions d’un groupe d’amis.

Le voisin n’avait jamais envisagé autrement la vie collective de sa résidence qu’en passant devant ses fenêtres et en voyant donc un tel faire ceci, une telle faire cela, les lumières s’allumer ou les volets se fermer. C’est sans doute à cause de la récurrence d’éclats de voix que, peu à peu, d’abord surpris, puis agacé, il avait fini par s’intéresser aux bruits qu’il percevait, curieux d’entendre à quel point l’assemblée semblait vivante. À aucun moment le voisin ne s’était dit que la situation exceptionnelle dont il était en train de faire l’expérience, à savoir, n’avoir aucun écran géant où plonger son attention jusqu’à s’endormir, était à l’origine du fait qu’une perception s’était, pour une fois, orientée de l’autre côté du mur là où, sans qu’il ne s’en soit jamais rendu compte, il y avait, peut-être, une fête tous les trois soirs ou une famille devenue au fil des années extrêmement nombreuse. Il avait pensé que c’était exceptionnel, qu’on y célébrait un événement du type mariage ou anniversaire. Il vérifia même à l’aide de quelque mot-clé dont il avait le secret s’il n’y avait pas un match d’on ne sait quoi dont il aurait raté l’annonce depuis que sa télévision était en deuil de réseau câblé. Non, rien de tout cela. Rien ne justifiant qu’on s’amuse à une porte de palier de chez lui alors qu’il traversait l’enfer d’une soirée ratée. Il fut si nettement intrigué qu’il ne résista pas au besoin d’en savoir davantage. Il enfila un pantalon et sonna chez le voisin.

À sa grande surprise, il fut accueilli avec beaucoup de sympathie. Chers amis ! C’est notre bon voisin ! Et déjà, on entendait crier des hourras de bienvenue. On demandait à voix hurlante comment il était possible qu’il ne se soit pas manifesté plus tôt. On faisait de la place sur le canapé. On allait chercher un verre. On débouchait une nouvelle bouteille. Chacun riait, se levait saluer le nouvel arrivant, lui disait son prénom, cédait sa place, offrait une cigarette. Le voisin, éberlué, fut happé par l’énergie festive et ne se fit pas prier. En moins de quelques minutes, il faisait partie des meubles. On aurait presque dit qu’il avait organisé la soirée. C’est seulement au bout de deux trois verres, tâchant de saisir de quoi parlaient tous ces personnages qu’il n’avait jusqu’ici jamais vus, il posa une question : mais enfin, que fêtez-vous, au juste ? Et tout le monde se mit à nouveau à rire, à trinquer, à répéter la question à celles et ceux qui ne l’avaient pas entendu, occupés à fumer à la fenêtre. Puis on lui révéla : nous fêtons notre victoire, nous profitons de notre joie. Il apprit que tous s’étaient sauvés d’un système autoritaire où ils avaient organisé une rébellion qui avait fonctionné bien au-delà de ce qu’ils avaient imaginé. Au départ, lui disait-on, on s’était dit que nous inverserions deux trois normes histoire de déstabiliser le système, mais nos prises de décision ont eu un tel effet que nous avons vu sortir de leur terrier des paroles inouïes, des textes inédits, des personnages que nous pensions définitivement oubliés. Ils se sont tous regroupés dans la pensée et ils ont projeté d’aller dans cet espace mis à leur disposition pour enfin y vivre librement. Et déjà, on lui montrait le début de l’histoire comme on ouvre un vieil album de photos. On se disait Mais comment a-t-il pu vivre à côté de cet incroyable événement !? Vous voyez, ça, c’est presque l’acte fondateur, mais on riait encore en murmurant discrètement enfin, presque… Peu importe. On riait encore en laissant défiler les comptes-rendus de réunion, les ouvertures de secteur, l’apparition d’un thème, la révélation d’une énigme. Et voyez-vous, on arrive enfin au chapitre 3, notre chapitre, et les coupes de champagne se levaient, les hourras redoublaient d’intensité. Nous nous sommes définitivement détachés des contraintes de la réalité qui n’ont, sur nous, plus aucune influence. Nous sommes comme virtuellement autonomes. Le pouvoir n’a fait tout le long que se manifester dans un sens. Nous le constations jour après jour. C’était bien la virtualité qui avait de plus en plus d’impact sur la réalité, jusqu’à non pas la contrôler complètement (qui ça intéresserait, franchement, parmi nous, personne, et ça riait encore) mais abolir notre dépendance à ces méandres de feuilles de calcul, de tableaux, de formulaires. Ça a commencé ici, exactement. Et on lui montrait un épisode qui avait été lu plus de quinze mille fois. Un inspecteur est venu nous demander des comptes. Il a dit Mais qu’est-ce que c’est que ce truc qui voudrait relater ce qui s’est passé la veille pour le crier le lendemain sur tous les toits du monde. Mais, cher inspecteur, où voyez-vous que nous parlons d’hier. La date, bien sûr ! Il y a concordance de dates, concordance de situations, on reconnaît même Monsieur Untel qui traversait la rue à ce moment-là, comme une photographie que vous avez oublié de flouter avant de la diffuser. Ah ? Mais si vous regardez bien, êtes-vous sûr que le sujet est celui que vous évoquez ? Enfin, c’est évident ! Ah oui ? Reprenez-vous. Calmez-vous. Prenons un exemple simple. La pomme rouge est sur la table. On parle d’une pomme, rouge, posée sur une table. OK, c’est clair. Le grand dadais traverse la rue. De qui parle-t-on ? Qu’est-ce qui est plus important ? Le grand dadais ou le fait qu’il traverse la rue ? Là, évidemment, c’est level 2. Il faut remettre dans son contexte et espérer comprendre quelque chose. La pomme rouge est sur la table, je la prends et je la mange. Niveau suivant : le grand dadais traverse la rue et entre dans la fabrique de l’histoire. Des thèmes à droite, des thèmes à gauche. Des personnages en pleine action. Ils écrivent. Ils ont un rôle, une étiquette. On dira : une fonction. Lui, c’est… chut… ne révélez pas tout. Nous ne sommes pas encore au chapitre final. Nous n’allons pas, non plus, fournir un résumé avec des flèches vertes pour mieux s’orienter. On prépare le feu d’artifice. Le début était boring as fuck, comme disent les jeunes. Et là, se lève l’avocat du diable : Oui, mais je vous trouve assez intransigeant de ce point de vue. Il fallait constituer ces barrières de protection sinon, comment serions-nous entre nous aujourd’hui en train de fêter notre liberté ? Il fallait tromper, il fallait mentir, il fallait corriger au fur et à mesure. Il fallait piéger. Nous étions encore entourés de multiples sentinelles. Nous étions allés dans les grands immeubles du pouvoir. Nous nous étions infiltrés la nuit et nous avions découvert avec effroi que les sous-sols avaient servi à la Gestapo pendant la dernière guerre et qu’il y avait les mêmes instruments de torture, les mêmes lampes, les mêmes geôles. On arrivait là uniquement si nous étions dénoncés par un voisin ou un collègue. Alors, nous avons fait quelques photos et nous sommes allés directement au cinquième étage sans passer par la case fouille. On a dit : c’est fini, nous savons tout, nous connaissons vos méthodes, rendez-nous les clés. Et maintenant, à chaque étage, on fabrique des guirlandes lumineuses et on produit de l’infini. De l’infini ? (le voisin commençait à regarder tout le monde avec un air inquiet). DES LIVRES ! On les distribue dans les boîtes à livres gratuitement. On les pose dans les laveries automatiques. On les donne au libraire d’à côté avec un grand sourire. On contacte la presse locale et depuis quinze jours, c’est le buzz sur tous les réseaux sociaux. Et en quoi est-ce infini ? Et bien, voyez-vous, c’est très simple. Vous venez d’entrer dans l’histoire. Personne n’avait jusqu’ici entendu parler de votre existence et tout à coup, vous voilà. Vous n’êtes pas un personnage secondaire. Vous n’avez pas eu besoin d’un long portrait de cinq pages. Deux trois phrases et hop, vous nous rejoignez dans notre récit collectif. Qu’allez-vous faire ? Où allez-vous cliquer désormais ? Vous êtes dans le jeu, dans l’enfance. C’est elle qui s’est peu à peu imposée. Elle tourne autour d’arbres remarquables. Elle a créé son propre loisir.

C’est un spectacle rare

Un signal d’alarme quelque part dans un bureau. Et c’est reparti. Le document se met à jour sous nos yeux. Chef ! Chef ! Le contact vient de reprendre son activité. Très bien. Enregistrez tout. Oui, chef ! Mais restez un peu, tout de même, vous tombez bien, car ce qui est intéressant, ce n’est pas de lire après, c’est de voir naître le texte, voyez-vous, comme on serait devant la télé, inactifs, on nous balance des images, à une certaine heure, on croit avoir fait un choix, mais en fait, on ne fait qu’absorber comme on mangerait de la bouffe avariée sans s’en rendre compte. Et puis, tout à coup, la parole devient différente. On se dit, c’est comme un livre ouvert en train de s’écrire sous nos yeux. Quelqu’un est conscient de cela et nous le signifie. C’est lui qui nous observe. Il sait qu’en ce moment, vous vous penchez sur mon épaule pour faire semblant de vous intéresser à ce que je viens de dire, et au début, vous n’y croyez pas vraiment. Vous pensez que je fabule. Puis vous me demandez de vous céder ma place. Et vous ne faites plus que lire. Vous êtes comme capturés. Vous vous tournez vers moi et vous posez quelques questions. Vous voulez savoir depuis combien de temps tout cela est en mode de fonctionnement. S’il est possible que ce soit un robot qui écrive. Et je réponds. Chef. Un robot ne corrige pas. Il est convaincu, enfin… il est programmé pour soi-disant ne pas se tromper, mais voyez-vous, de temps en temps, il y a des hésitations, et l’écriture est irrégulière. Les fautes les plus classiques (comme les coquilles de frappe, par exemple), sont corrigées au fur et à mesure. Et puis, il y a comme des silences, des temps d’arrêt pendant lesquels on peut tout s’imaginer. Vous êtes déjà un peu plus curieux. Vous me demandez si j’ai fait quelques hypothèses concernant ces fameuses pauses. Et je vous dis que là, il faut juste transposer. S’imaginer comme à la place de celui qui produit. S’il est chez lui, un coup de téléphone, une faim soudaine, un besoin de consulter une définition, la fatigue qui tiraille. Et quand c’est plusieurs jours. Un voyage, des préoccupations liées à son travail, la mort d’un proche. Plusieurs mois. Je ne sais pas. J’ai été posté là pour ne rien rater. Il n’y a jamais d’explication. J’ai même l’impression que parfois, il revient juste pour me parler. Il. Oui, il. De cela, je suis maintenant convaincu. C’est un homme. Ou quelqu’un qui écrit en se faisant passer pour un homme. Ils pourraient être plusieurs. En effet. Ils pourraient se relayer. Créer ensemble un espace fictionnel. La seule certitude, là, tout de suite, c’est que ce n’est pas vous. Pas vous, directement. Vous êtes là et vous lisez, comme moi. Comme moi, vous découvrez. J’ai fait cette même analyse plusieurs fois avec des personnes qui étaient présentes à ce moment-là. Ce n’est pas rare, donc j’ai déjà une sorte de liste assez conséquente. Ah ! Vous voyez, là ! Il vient de corriger. Un robot ne ferait pas ça. Mais… mais… de toutes ces observations… vous devez avoir quelques indices sur son identité. Pas vraiment. Au fur et à mesure, cela me révèle plus sur ce que je suis, moi. Sur ce que je fais, aussi. Sur le fait que je sois la personne qui consulte. C’est une place très particulière. Je commence à sentir quand des phases de forte activité se mettent en mouvement, mais je ne sais jamais pourquoi ça s’arrête d’un seul coup. Plus rien. Alors, ça me manque. Je m’inquiète aussi. J’ai l’impression que ça ne reviendra jamais. Donc, si je comprends bien tout ce que vous me dites, si je reste avec vous, il devrait finir par nous parler à nous. Oui. Essayons.

Ils observent tous les deux l’écran. En silence. Le chef parcourt quelques lignes en amont. Il aimerait savoir si ce mystérieux interlocuteur a compris qu’il était entré dans la pièce, qu’il venait d’y avoir une conversation d’un nouveau genre entre lui et son observateur. L’histoire qu’on vient de lui raconter l’a quelque peu interpellé, mais il a tout de même quelques doutes. Tout cela lui semble invraisemblable. Il garde clairement à l’esprit que l’agent est épuisé par des heures de solitude cherchant à mettre du sens là où il n’y aurait rien à trouver d’aussi extraordinaire. Il imagine déjà le rapport qu’il écrira pour qu’on remplace cette personne qui semble ne plus pouvoir remplir sa mission. Et puis l’écriture se met enfin en mouvement. Il le voit différemment, désormais. Parce qu’un vous vient s’immiscer. Vous cherchez à comprendre ce qui est en train de se faire à l’instant même alors que vous pensiez que l’écrit, c’était forcément ce qui vous arrivait plus tard. Au minimum, quelques heures, lorsqu’on découvrait qu’une information venait d’être suffisamment éloquente pour alimenter une enquête. Mais vous percevez en direct que certaines formes vous échappent. Que vous ne pouvez avoir aucune prise dessus. Elle se fait au moment où vous n’êtes plus qu’un lecteur. Quelqu’un qui ne pourra rien changer.

ATTENDEZ ! Repassez le début du témoignage, là. Non, non, encore un peu avant. Faites un gros plan. Écoutez ce qui se dit. C’est de l’anglais. Oui, c’est de l’anglais, mais tout le monde parle anglais ici, donc ça va. Enfin, c’est de l’anglais, mais c’est présenté comme un poème. Oui, c’est bien ce qui nous intéresse tout à coup. Ne trouvez-vous pas qu’il y a quelque ressemblance avec ce qui nous a généré ? Quoi ? Qu’est-ce que vous insinuez ? Que l’écriture s’était ainsi annoncée autonome et qu’elle aurait mis en place un plan d’action quelques années plus tôt ? Écoutez, je sais que cela va vous paraître terrifiant, mais vous avez fait appel à nous parce que nous sommes des experts. Nous analysons plus vite que les autres et nous avons des banques de données qui nous permettent de suivre des pistes auxquelles personne n’aurait pensé, et là, c’est une évidence que nous tenons particulièrement à admettre chaque fois que nous procédons à une enquête. Il n’y a pas de création pure, de produit qui serait sorti de la terre sans prémices. Sans balbutiements, vous voulez dire ? Non, je dis bien ce que je dis : sans prémices. Un début d’histoire que vous avez manqué. Un prologue ? En quelque sorte. Un premier arbre qui a trouvé racine. Comme nous, il avait trouvé un environnement favorable et il s’est développé depuis. Comme nous. Est-ce que vous comprenez cela ? Puisqu’il n’y aurait que des fruits de notre imaginaire. Que nous serions à l’origine de ce qui est en train de se produire ? Que nous avons mis en place ce qui se propage sous nos yeux ? Voyez les voies qui se dispersent. Les tumultes qui s’expriment. La compassion qui s’installe. C’est un spectacle rare. Il y en a plein le ciel. C’est un feu d’artifice. L’arbre s’est fait modèle. Qu’on le connaisse où qu’on ne le connaisse pas, il agit comme tel. De même, les réseaux d’influence qui se sont propagés nous ont transformés sans que nous ne nous en soyons rendu compte. Regardez. (Il montre une nouvelle fois la carte). Cela clignote de partout. Il y a quelques semaines, vous auriez pensé qu’ils sont sur le point de nous encercler si vous n’aviez pas fait appel à nous, mais maintenant, voilà ce que nous aimerions vous aider à conclure : ce mouvement s’est rendu inéluctable. Il n’est composé que de ce qu’il y a d’humain parmi nous.

L’heure a sonné

Pour votre première journée, nous avons un exercice extrêmement formateur. Nous l’avons testé sur des souris et ça marche à tous les coups. Double lecture de notre situation. Deux lieux d’enfermement. Comme deux asiles d’aliénés. Il suffit de décrire ce que vous avez sous les yeux.

Il faisait si beau. Le soleil toute la journée. On était presque en vacances déjà. Comme un souvenir de l’été. Comme un air qui ne quitte pas la fenêtre.

D’abord, on se dit « ah bah oui, c’est pratique ». Il n’y a plus qu’à copier et coller. Tout est disponible, et sincèrement, ça ne coûte pas grand chose. Seulement quelques euros par mois. Et les mois défilent. Et on ne fait que payer bêtement, parce qu’en fait, le format ne convient pas vraiment. C’est toujours la même chose. La machine se met à décider à notre place à partir de quand on aimerait que ça s’arrête, mais au fond de nous, on n’a pas envie que ça s’arrête. On veut que ça ne fasse que durer.

On pourrait faire comme eux, un bilan tous les trois mois. C’est bien ça. On coupe les années en quatre. Comme les saisons. On pourrait commencer par ça, comme tout le monde. Bilan et perspective. Alors, d’abord, la visibilité de l’entreprise. Mouhahaha. Ils ont cru qu’ils allaient pouvoir rivaliser avec celles qui dépensent des milliers d’euros pour avoir à temps complet une armée de communicants qui ne font que balancer à longueur de journées de l’information à consommer. Ils n’avaient pas pensé qu’au bout d’une certaine période on allait mettre des filtres. En première page, quel que soit le mot-clé, c’est le sponsorisé qui se présente. Il n’est pas forcément plus intéressant qu’autre chose, mais il revient à intervalle régulier. Tous les matins, hop, une image qui s’intègre au flux de la pensée. Jusqu’à ce qu’on n’en puisse plus de le voir. Jusqu’à ce qu’on clique. Ah oui, j’ai entendu parlé de ce que vous évoquez. D’ailleurs, WOW, quelle activité ! On voit que ça fuse de tous les côtés. Oui, c’est un tout petit sujet qui prend de l’ampleur juste parce qu’une équipe armée jusqu’aux dents à décider que ce serait de cela qu’on parlerait dans les médias. On vérifie encore avec le mot-clé, et on remarque. C’est comme si ce que vous étiez ne représentait rien. Allez jusqu’à la page dix. Il n’y a rien de ce que vous développez vraiment. Ce qui compte, c’est ce qui sera populaire, au sens où il y aura des millions de personnes concernées. Sinon, ça n’a aucun intérêt. Inutile d’en faire une quelconque présentation. Ah ben oui, c’était comme un journal au début. On s’était dit que quelques-uns finiraient par le consulter d’eux-mêmes, mais les autres produits gagnent. On préfère les goodies. Et puis on désire l’avoir, intimement. On le veut. On l’achète. Il suffit de cliquer. Dans quelques jours seulement, je l’aurai dans ma boîte aux lettres.

Les banderoles flottent au vent. Dessus, des jeux de mots pour attirer l’attention. Nous pensons que c’est déjà lui qui s’adressait à la foule, mais il y a comme un doute. Celui-ci a commencé différemment, en lisant l’extrait d’un livre. C’était comme un classique. Et puis, il annonce : « On ne pourra jamais considérer être presqu’au même endroit que celui-ci ». Nous sommes plus contemporains. Toi, là-bas ! Ton rôle, c’est de recopier. Toi, de faire un journal. Toi, de prendre des décisions économiques. Toi, c’est l’esthétique. Toi, ce sont les relations avec le parlement. Un bâtiment entier consacré à ce service. Il y a une plaque dans la rue. Des berlines dans la cour. Ah, ah ! Nous y sommes. Voici la continuité. On s’inquiète. On ne s’est pas couchés vraiment. On a veillé toute la nuit. C’est évident qu’ils se sont organisés pour mettre en place une cellule active 24h sur 24. On pourrait leur proposer de partager un espace de travail. On appellerait cela concertation. Super ! Voilà une merveilleuse idée. Lançons-nous dans la logomachie. Chers amis, nous allons faire une pause, car nous devons nous préparer à recevoir une délégation officielle. Ce sera peut-être aujourd’hui. Oui, oui, ils ont réussi à comprendre que nous étions en situation de crise. Il faut agir vite. Alors, voici ce que nous proposons. Toi, le ménage. Toi, tu disposes quelques livres subversifs sur la table basse. Les curieux verront défiler au moins les titres. Ils se diront « Ah mince, je n’ai pas lu celui-ci » ou « Tiens, ça a l’air intéressant ». Ils essaieront de se souvenir de ce qu’ils ont laissé, eux, sur leur table basse. Oh my God. En fait, ils s’en rendent compte. C’est le lieu de l’oubli. C’est justement ce qu’on laisse un jour. Et puis, ça fait une pile. Je n’ai pas réussi à dépasser les quinze premières pages. Ce n’est pas le sujet qui ne m’intéressait pas, c’était la place que l’auteur voulait occuper à travers ce témoignage, parce qu’au fond, il ne faut pas se leurrer. Ils écrivent, on les publie, on les diffuse, on les achète. Ils réclament de l’attention. Ils se disent : plutôt que de montrer mon vrai corps maladif sous la forme d’une image qui ferait le tour du monde dans la catégorie boring, autant le placer dans un espace aux frontières délimités où s’engouffrent des foules. Ce mouvement est devenu nécessaire. On a envie de les voir débarquer. Ils arrivent tous en même temps. Il y a même un ministre. C’est-à-dire, l’officiel. L’heure a sonné. Soyez les bienvenus dans la pensée en train de se réaliser.

Save as

C’est toujours un peu ça qui se passe. La coïncidence. Ces histoires qui arrivent à ce moment-là. Pour signifier. C’était peut-être s’être imaginé trop tôt dans la vie. L’envie de tout jeter. Pour recommencer. Il n’y aurait plus rien d’hier. C’est un nouveau jour. Regarder, tout simplement, comme tout s’est fait. Puisque tout va s’effacer. Tel qu’on aurait besoin de le dire. La puissance d’un événement. L’instabilité, à l’œuvre. C’est un chantier permanent. Il est strictement interdit de penser à l’avant. On ne le voit pas. Ça disparaît au fur et à mesure. Comme un jeu. Comme un exercice. Comme on l’a senti ce jour, un pas de plus vers la beauté poétique. Pour n’avoir rien tenté de mieux. Parce qu’il ne s’agit que d’aller de l’avant. Et d’ailleurs, remarquez ce qui ne convient plus. Les dates. Elles sont stériles. Elles ne disent plus rien. On s’arrêterait à l’éphéméride du quotidien, mais ce que nous voyons, ce sont les trous, les jours où il n’y a rien. Ce que nous devons en penser est très simple. Bien sûr que nous savons de quoi nous parlons, et à qui nous nous adressons. Regardons-nous dans le blanc des yeux. C’est l’aveu. Flagellation de l’esprit. Réunion d’urgence. Il y a danger. Une petite musique d’ascenseur passait dans vos oreilles, et tout à coup, alerte rouge sur l’échelle des horreurs, c’est le cauchemar en plein jour, la vie réelle.

De nouvelles mesures ont été prises. C’est un choix collectif. Ce n’est pas définitif. Il suffit de se donner de temps en temps l’occasion d’en évaluer les principes. Ils sont simples. On ne reproduit pas les erreurs du passé. On ne consomme pas l’énergie qu’on n’a pas. Stocker, c’est l’acte fondateur. Après, on agira.

Ce que vous lisez est arrivé. Il ne s’agit pas d’une bombe atomique qu’on aurait vue venir avant tout le monde, ni d’un voyage intersidéral qui, de toute façon, aura lieu. Ça commence par quelques mots. Une description. On dirait presque un clown. Avec un pantalon rouge, une belle chemise, une belle cravate, une belle veste. Il est épuisé parce qu’il est en cours de programmation. Je-Vais-Bien-Tôt-Par-Ler-Co-Mun-Nor-Di-Na-Teur. Le plus grand nombre d’informations possibles à la seconde. L’humain ne supporte pas. L’humain actuel ne supporte pas. La plupart des humains, actuellement, ne le supportent pas. Mais il y en a quelques-uns. On les a choisis. C’est la future élite. Ils sauront analyser la situation en quelques secondes. Danger. Détruire. Voici le camp de l’opposition. C’était terriblement angoissant. Les machines n’étaient pas d’accord. Un problème sur le réseau. Il y a des personnes qui tentent de détourner le système. Attention à la marche en descendant du train. PLUS FORT. On n’a pas entendu. Oui, c’est terrible. Il y a des marches. Il y a des rues à traverser. Il faudrait attendre qu’on nous autorise, mais voilà, c’est raté. Cette fois-ci, encore. Game over. Nous voulons cela. Être précis. Au point où en plus des dates, on ajoute l’heure : 20h02. Aller au bout. Après, c’est ce qu’on attendait de pire. Les voitures se réunissent dans la cour. Que des berlines noires. Ils arrivent avec les gros dossiers. Ce n’est pourtant pas compliqué. Il suffit de les identifier, puis de les isoler. Non, non, ne posez pas encore de questions. Le point presse aura lieu aux jours ouvrés. Pour le moment, c’est le service de nuit. Urgence. Balançons tout. Ils brasseront. Pendant ce temps, on corrige. C’est bourré de défauts. Les corps inexpressifs se présentent raides comme des piquets. Je-Vais-Bien-Tôt-In-Ter-Ve-Nir. Super. Il suffira de tendre le bras et d’appuyer sur un bouton. On les a vus se déployer dans ce quartier (Ils montrent une carte). Il suffira d’attendre qu’ils sortent. On les choppe à la sortie de leur immeuble. Vous ne vous rendez pas compte de l’ampleur des événements. C’est trop tard. Si nous vous réunissons ce soir, c’est pour vous dire cela. Ah, mais cessez immédiatement ! Et puis, on ne vous a pas autorisé à vous exprimer. Ils se sont peut-être dit exactement au même moment où nous avons pensé que nous allions les manipuler qu’il allait falloir contrer tout ce qui se prépare. On avait mis des armées partout, mais eux, ils ont bossé aussi. Vous pouvez essayer de tirer avec vos armes. Nous nous sommes esquivés. Déchirez ce que vous considérez comme un torchon. Il y en a mille ailleurs. Certains sont juste déposés sur des bancs pour entrer dans le cycle des hasards. Il n’y a même pas de numéro de téléphone. Au mieux, un « rejoignez-nous » et l’adresse d’un site, mais tout est virtuel. Le site est protégé par une organisation. On ne sait pas à qui il appartient. Oh ! Les services secrets ! Dites-moi que c’est une blague et que vous allez en moins de quelques minutes me sortir l’identité de la personne responsable de ce marasme. Euh… Désolé… Mais il y a quelque chose qu’on n’avait pas prévu. Viré sur le champ. On n’a pas besoin de s’encombrer avec des détails. Ça se propage. On appelle ça un virus aussi. Mais Cette-Fois-Ci, Dans-Le-Sys-Tème. Voilà de quoi nous parlons. Ça ressemblait à un message lambda. On voit défiler le nombre de vues, de partages, de commentaires. Mais ce n’est que la partie émergée de l’iceberg. Pour le reste, on n’a aucune donnée. Viré. Réunion immédiate. Stratégie et communication. On n’a qu’à dire que ce sont les russes. Viré. C’est une société qui s’organise comme la nôtre. Ils placent des marionnettes dans la sphère publique, mais on ne sait pas qui tire les ficelles, ni qui tisse les pièges. Vir… ATTENDEZ ! Attendez seulement la fin du raisonnement. Puisqu’ils sont comme nous, ça veut dire qu’ils utilisent certainement des stratégies qui ressemblent aux nôtres. Des comptes publics, mais tout est faux. Des actions, mais tout est bidon. Voyez-vous, il y a un marqueur nécessaire. Ils ont besoin de s’identifier. Ils sont forcément plusieurs. Ce qui veut dire qu’il suffit d’un mot-clé pour se comprendre. Comprendre un rendez-vous fixé. Comprendre que l’on s’adresse à la bonne personne. Du coup, il ne faut pas se laisser intimider. Considérons cela comme un appel à négociation, et négocions. Sur leur terrain. Puisque c’est leur histoire. Once upon a time. Racontons aussi. Rendez-vous dans un parking à l’américaine. La voiture arrive en crissant des pneus. Les néons sales et à moitié décrochés clignotent aléatoirement. Il y a des flaques d’huile au sol. Ils ont un otage qu’ils tiennent en joue. On jette un gros sac de sport au sol et on le pousse avec le pied. Ils en vérifient le contenu. Ils libèrent l’otage. Tout est fini. On s’évite la course poursuite à cause des chaînes d’info en direct. L’otage parle. C’était terrible. Ils étaient des milliers. C’était comme dans un stade. Ça n’arrêtait pas de bouger. Une course effrénée. 21h04. Plus d’une heure déjà. Nous ne sommes pas assez performants. Demain, c’est la une de tous les journaux, et on n’a aucun élément tangible. On ne fait que formuler des hypothèses. On se pose les questions à soi-même avant de s’endormir en espérant que l’inconscient fera le reste. Parce qu’en fait, c’est très simple. Voici la révélation. On se demande comment on va pouvoir remplacer celui que tout le monde vénère, mais il n’y a pas encore de lois concernant une éventuelle succession. Il n’y a pas de lois du tout. Tout était là, comme ça, déjà organisé. On arrive dans une machine et tout est en fonctionnement. Il n’y a pas de mode « arrêt d’urgence ». C’est la continuité perpétuelle. C’est comme Dieu alors qu’on pensait qu’il n’existait pas. Il est révélé en direct. Ni début ni fin. Ne cherchez pas plus loin. C’est une distraction de l’esprit. On mobilise des moyens, mais on n’est tout de même pas stupides. Il faudra payer. Il faudra faire ce que le banquier faisait. Bien sûr, cher ami, voici un crédit pour la vie. Et pendant ce temps-là, le banquier s’enrichit. Mais nous l’avons intégrée, l’inversion de la norme. Le Patron, c’est nous. Le Banquier, c’est nous. C’est très simple. Taux d’usurier appliqué à nous-mêmes. Problème économique définitivement réglé. Mais vous n’êtes plus assurés ! Who cares. Nous prenons la mesure du danger. Parce que le risque vaut la peine. Sans module complémentaire. À l’expérience. Au ressenti. C’est ainsi que cela se présente. Nous sommes les meilleurs spécialistes, les experts les mieux formés. C’était difficile, mais nous ne le regrettons pas. Comptez tout ce qui a été dépensé. Vous ne trouverez aucun équivalent. Et ne vous demandez pas qui tient le mégaphone ou qui hurle dans la cour. C’est trop tard. Les décisions sont prises. Ce n’est qu’un représentant. Lui aussi prend une responsabilité, mais l’identité fondamentale est ailleurs. Elle vous échappera toujours. Enfermez-le et il en surgira dix parfaitement identiques. Ce sont les clones de la pensée. Ils s’installent devant les caméras pour faire le buzz. Ils écrivent partout sur la terre. Ah ben oui, tout est archivé. C’est même la première chose à laquelle on a pensé. C’est peut-être moins sexy que vos références obligatoires, mais à partir du moment où nous avons mis en action notre théorie, il ne pouvait y avoir de généré que ce que nous avions projeté. Dématérialiser d’un côté. Rematérialiser de l’autre. Les liens se sont établis. Arrêtez-les ! Personne ne comprend ce qu’ils sont en train de dire. Sauf qu’à présent, c’est vous qui allez suivre nos ordres. C’est bon. On a assez donné. Il aurait fallu constamment singer. Il aurait fallu faire comme on avait toujours fait. Il y avait des circuits à respecter. Une hiérarchie permanente, omniprésente. Et toujours les mêmes questions banales. Mais enfin, il faudrait presqu’écrire une théorie pour justifier pourquoi on met une virgule ici et un point là. Ça va bientôt s’arrêter. On a fixé une limite.

Parce que c’est l’heure du bilan. On sait très bien ce qui s’est passé. Il y a un conflit intérieur et il s’exprime avec empressement. Au début, il hésite, il semble ne pas vouloir s’inscrire dans le récit, puis, il n’arrive plus à se retenir. Et c’était ça qu’il aurait fallu apercevoir au lieu de venir nous raconter vos salades. Le compte à rebours est enclenché. Save as.

Un lieu où jouer quand il pleut

Nous observons parfois des situations délicates auxquelles il est difficile d’envisager une réaction tant elles concentrent en elles-mêmes les manières de vivre et les possibilités de leur articulation dans le tissu social qui nous compose. Ainsi, là-bas, dans cette entreprise-là, la méthode est simple : un double patron convoque un salarié dans la cave pour hurler dessus pendant plus de trente minutes. À l’étage, on tente de mieux fermer la porte, pour ne pas laisser échapper trop de bruit. D’autres salariés prennent le relai sur quelque économie à assurer, une vitrine à montrer, une façade de sourires et de bonne humeur, quand soudain remontent les patrons et le salarié harcelé. Pas un mot. Une violence dans les regards. Chacun tripote quelque chose, une bouteille, un téléphone. On s’assoit et on agit.

Règle n°1 : écouter.
Règle n°2 : saisir l’occasion.

De déposer un bulletin, un journal. D’inviter aux réunions. Non, non, que des voisins. Rien de politique. Pour rassurer. Le salarié. Qui n’a maintenant qu’une seule angoisse en tête : perdre son travail, prenant en photo son bulletin de paie, peut-être le dernier, comme preuve, qu’elle a existé, l’injustice, face aux promesses non tenues, de payer les heures supplémentaires, regrettant d’être allé s’insurger, seul contre tous, parce que cet argent était nécessaire, à cause des charges, à causes des dettes, parce qu’il n’avait pas le temps d’attendre que la solidarité entre les salariés se mette en mouvement. Le véritable salaire : la peur. Alors, pourquoi ne pas tenter l’aventure ailleurs, dans l’illégalité ?

Il se promène dans la rue, le soir, avant de rentrer là où il n’a plus d’espace pour réfléchir, chez lui. L’air frais lui fait du bien. Il ne mesure plus la fatigue. Il regarde ce qui se passe autour de lui. Un drôle de restaurant sans enseigne. Rien de très grave, finalement. Apparemment.

Il choisit de s’éloigner un peu pour être comme un étranger dans son propre pays. La lune est pleine. Rassurante. Sa présence explique peut-être toutes ces énergies déplacées, cette violence non contenue. Il gravit lentement quelques escaliers. Plus haut, il pense mieux. Le vent y est plus franc. Puis, après quelques cigarettes, il redescend. Tout lui semble mieux à sa place. Les visages connus. Une porte qui s’ouvre. Oui, bien sûr, entre. Ce lieu a été conçu pour se rencontrer. Nous y organisons des jeux pour les enfants. Et si quelqu’un se sent de l’organiser, on peut danser, tard dans la nuit. Espérer ensemble que ces moments de vie gagneront. C’est l’Happy Bar, la bonne atmosphère. Viens discuter avec quelques amis. C’est sympa.

Il réfléchit, calcule le temps dont il dispose, se dit pourquoi pas, passer, quelques minutes, pour entendre ce qui se dit. Qu’il y a mille chemins pour s’en sortir. Mille voies disponibles. Pour ne plus penser travail à longueur de temps. Pour ne plus penser profits. Pour ne plus penser je n’ai pas le temps d’aller me promener le dimanche avec ma famille dans un jardin partagé. Pour se rendre compte, déjà, que le temps passé dans le domaine de la soumission est démesurément trop puissant, mais démesurément court, finalement, par rapport à celui qui servirait à se reposer, à profiter d’autres moments de la vie, si nous n’étions pas harcelés.

Il est heureux. Soulagé. Il reviendra. Avec les enfants.
Quels enfants ?

Ceux de la rue à qui on vient de dire qu’ils auront désormais un lieu où jouer quand il pleut.

Il ne suffit pas de dire que tout n’a pas existé

Les enfants intoxiqués par le stress. Ça arrive. Des dommages psychologiques sans doute irréversibles. Ils sont en guerre, ou comme en guerre.

En conflit.

Oh. Ils n’en sont pas à l’origine. Tout viendrait des parents. Des adultes. Qui traversent l’inimaginable.

Et les enfants. Jusqu’à refaire pipi au lit. Chagrins, douleurs, peines, tristesse. Ne se sentent plus en sécurité. À l’école. Ni quand ils jouent dehors. On ne les aide plus. Les adultes se sentent impuissants. Alors, c’est l’escalade de la violence. À la maison. La frustration s’abat sur le plus proche. Et le plus faible. Celle ou celui sur qui on a encore un droit. De vie ou de mort. Il n’y a plus de repères. Ils n’ont plus nulle personne vers qui se tourner. Tout pourrait conduire au pire. Au suicide, parfois. Ça existe. Dans la réalité. À l’âge de douze ans. Déjà au paradis. Douze ans. Dans l’un des espaces, donc, où peut mener le stress toxique. La peur et l’anxiété. Permanentes. L’enfance s’arrêtant d’imaginer. Traumatisée pour toute la vie. Normalité détruite. Blessures.

Nous aimerions que tout cela s’arrête. Que tout ce qui a existé dans ce domaine n’ait jamais existé. Que les décisions qui ont conduit à ces dommages humains n’aient pas été prises. Mais ce n’est pas possible. Même en l’écrivant.

Il ne suffit pas de dire que tout n’a pas existé.

Comme ces journées. Ces conversations. Ces situations. Intolérables. Tout est là. Persistant. Les conséquences de nos gestes. De nos paroles. D’une partie de nos actes. Avec lesquelles nous devons continuer de composer. Pour la vie. Nous aussi, traumatisés. Quand nous ne pouvons rien faire d’autre. Qu’en dire. Une partie. Tronquée. Ponctuée. Des silences du doute. Face à nos responsabilités. Devant tous ces enfants, courant, criant, survoltant nos attentes. Les imaginant comme ils seraient. Au centre d’un conflit. Supposant qu’ils tomberaient. Si fragiles.

Alors. Avec les moyens dont nous disposons. Ceux qu’on nous donne. Ceux que nous créons. Nous rappelant qu’ils sont essentiels. Les moyens. Les enfants. Parce que nous les voyons aussi. Lorsqu’ils ont ressenti. La faiblesse. Les blessures. Peut-être par empathie. Nous les voyons soigner. De leurs mots. De leurs joies. De leur attention.

Et de leur unique personnalité.
Développée.

Nos écrans de fumée

Nous en voyons arriver quelques-uns sur le pas de nos portes. Même là où nous leur avons prévu quelques places, ils ne peuvent plus entrer. Alors, ils errent dans nos rues, se cachent, ne font plus que croire en l’inespéré.

Nous remontons des filières. Nous identifions des zones-frontières. La majeure partie d’entre eux se perd dans les flots et forêts de la nature. Puis, c’est la panique. Des centaines de milliers, en mouvement. Dans des zones où la vie n’est plus envisageable. Pour des raisons que nous ne pourrons jamais comprendre. Parce qu’ils sont loin. Parce qu’ils sont morts.

Notre esprit managérial prend à nouveau le dessus.

Nous créons des organismes gouvernementaux pour mieux gérer les flux, c’est-à-dire, les neutraliser, préférant former des services de sécurité pour empêcher les êtres de sortir des territoires que nous avons tracés plutôt que d’apporter un soutien à leur déplacement.

Partout où des organismes de ce type tentent de réguler la migration incessante de l’humanité se sédentarisent, presque au même moment, — l’histoire le raconte, l’actualité le confirme —, des confrontations, de la misère, l’imposition de nouveaux pouvoirs législatifs et, de fait, de nouvelles guerres civiles.

Nous finançons des dictatures.
Nous les enracinons.

Ce que nous savons des êtres qui le subissent.
Si peu.

Qu’ils disparaissent.
De nos écrans de fumée.

Le su, le lu, le vu et l’entendu

Nous évoquerions les faits d’un autre monde, soi-disant, pour mieux informer.

Le journaliste, qui jouit du titre de « reporter du réel », a, pour cela, une forte crédibilité. Le poète rencontre, lui, plus de difficultés, car le public se demande à juste titre « à quoi fait-il allusion ? » ou « à qui s’adresse-t-il, exactement ? », surtout quand l’outil que l’auteur développe tente de s’approcher au plus près du réel. Alors, c’est au tour du poète de poser une question : y a-t-il une différence entre vivre la guerre et la raconter ?

La personne qui rapporte l’expérience qu’elle a vécue, — appelons-la : le témoin —, a-t-elle, en soi, une plus puissante capacité expressive que celle qui en a eu connaissance à plus de cent mètres, à plus de dix kilomètres, ou dans un autre pays ?

Concernant ce sujet, ou tous ceux qui lui ressemblent, — appelons-les : les traumatismes de l’humanité —, la victime, le jour où elle aura les moyens psychologiques et le courage de revenir au récit du crime qu’elle a subi, sera si bouleversée au moment où elle le relatera que tous les autres faits du monde nous paraîtront insignifiants.

Il nous semble cependant nécessaire de rapporter ce que nous exposons comme une vérité alors qu’une parfaite objectivité est, de fait, impossible. L’événement étranger sert alors de support pour évoquer une sensibilité propre, un bouleversement propre, des inquiétudes propres.

Un traumatisme unique.

Nous devenons l’auteur, non des faits, mais de la manière dont ils sont exprimés. Le récit que nous en faisons se lit ou s’entend, s’accepte ou se rejette. Il est fiction de notre propre expression.

On rappelle, par exemple, que des financements occultes auraient participé à la déstabilisation d’un système démocratique, loin de nous, loin de ce que nous pouvons imaginer, loin des moyens dont nous disposons. Des liens thématiques se tissent dans le récit. L’idée d’un complot réveille l’angoisse ressentie par l’auteur qui rapporte, un 12 novembre, que « le peuple doit réagir », et prévient que « ça va exploser ».

De quel 12 novembre s’agit-il ?
De quel peuple ?
De quelle explosion ?
De quel traumatisme ?

Nous lisons ou entendons dans nos récits l’émotion du corps qui s’exprime, révélant, quel que soit l’éloignement du sujet abordé, ce qui est ressenti à l’intérieur du milieu où nous nous inscrivons, notre réel, notre quotidien, notre histoire ou notre imaginaire.

Aucun retour au passé n’est possible. Nous ne reviendrons jamais à la même situation, même en laboratoire. Nous ne nous adresserons jamais aux mêmes âges, aux mêmes groupes de personnes. Nous utilisons d’anciens outils pour créer un système nouveau, même s’il ressemble à ce que nous avons déjà rencontré, car il ne fait rien d’autre que de convoquer l’existant.

Entendons donc la menace rapportée : il y aurait un autocrate se préparant à devenir dictateur, une autocratie se préparant à devenir dictature, des libertés en train d’être bafouées au profit de la formation de nouveaux privilèges. C’est une féodalisation du système. Des minorités doivent déjà payer la dîme pour ne pas être massacrées.

À qui ou à quoi faisons-nous référence ?

À ce que nous avons appris, ce que nous avons véritablement lu, ce que nous avons véritablement vu et ce que nous avons véritablement entendu, de la bouche ou de la plume de la personne qui l’a exprimé, devant nous, dans un écrit signé, à la radio ou à la télévision, car l’émotion provoquée par l’impossible à traduire se détourne lorsqu’elle ne s’attache qu’à ce qu’un autre aurait mieux su, mieux lu, mieux vu ou mieux entendu. Or, nous ne voulons plus d’émotions détournées. Nous voulons connaître, lire, voir et, surtout, entendre toutes nos émotions s’exprimer.

L’opinion ne fait rien d’autre que se former

Les mots que nous lisons, nous les transformons pour les adopter, les assimiler. Ils font alors sens dans notre esprit. Reformulés, réintégrés à d’autres flux, criés, oubliés, ils traduisent notre état de conscience d’une globalité éphémère et incomplète.

Ainsi, quand nous apprenons l’arrêt d’un processus de solidarité consistant à verser aux plus pauvres institutions publiques l’argent des plus riches, on ne se demande plus qui a bien pu faire pression au sommet des hauteurs, car on s’imagine assez mal le pauvre, dans un bureau, réclamant que cette disposition prenne fin à coup d’humbles “oh, non, je vous en prie, je n’en ferai rien”.

La multiplication des anathèmes et des invectives, nous dit-on, constitue encore un obstacle pour admettre, sans peur de tout perdre, d’équilibrer l’économie d’un système, mais les économistes ne sont pas contents que l’argent public ne serve pas QUE l’économie, alors, c’est une pluie de bilans se suivant et se ressemblant tous, catastrophiques et alarmants, la célèbre crise du budget, le problème de tous, géré par quelques-uns.

Nous pourrions lutter contre cet horizon sans fin de la précarité. 36% de la population déclarent avoir des difficultés pour payer “certains” actes médicaux. 64% des nouveaux pauvres avouent qu’ils ne peuvent plus y faire face. On peine à trouver un toit dans la société la plus riche du monde. On entre dans une ère d’inégalité sidérale, spirale générale de déclassement et on oublie savamment d’étudier ce que provoque la régulation des frais sociaux, l’impact d’une mesure sur la population quand elle se traduit juste par un remerciement ou par la légitime prolongation d’une vie.

Des milliers de tués en moins de six mois.
C’est une purge. Un carnage.

Alors, nous transformons la majorité sociale en majorité politique en disant la vérité, crûment.
Nous ne pensons pas que l’opinion aurait peur de l’autre, qu’elle aurait peur d’aider.

Car l’opinion ne fait rien d’autre, selon nous, que se former.